Les ministres européens des Finances ont adopté, mardi 5 décembre une liste noire des paradis fiscaux contenant 17 noms d’Etat ou de juridictions. Un premier pas contre l’évasion fiscale jugé insuffisant, par les associations et certains acteurs politiques.
Bahreïn, les Samoa, les Samoa américaines, l’île de Guam, Grenade, la Corée du Sud, Macau, les Iles Marshall, la Mongolie, la Namibie, les Palaos, Sainte-Lucie, Trinité-et-Tobago, la Tunisie, les Emirats arabes unis, le Panama et la Barbade figurent sur cette liste décidée par les 28 ministres des Finances de l’UE, lors d’une réunion à Bruxelles. La liste comptait encore 29 noms, vendredi 1er décembre au soir. Le Qatar, encore présent sur la liste le week-end dernier, en a ainsi disparu, lundi 4 décembre.
Les membres du Conseil des Affaires économiques et financières (Ecofin) se sont aussi accordés sur une « liste grise » de 47 Etats qui ont pris des engagements de bonne conduite en matière fiscale et feront l’objet d’un suivi. Ainsi, le Maroc et le Cap Vert, initialement sur la liste noire, se sont finalement retrouvés sur la liste grise, les experts estimant qu’ils avaient donné suffisamment de garanties les jours précédents, pour changer leurs pratiques. Egalement sur cette liste : la Suisse, la Nouvelle-Calédonie, Guernesey, Jersey, l’île de Man, Andorre ou le Liechtenstein.
Les Etats-membres de l’UE exclus de l’évaluation
Cette liste noire est le fruit d’une initiative lancée en 2015 par la Commission européenne, suite aux nombreux scandales fiscaux à grande échelle : LuxLeaks, Panama Papers, et plus récemment les Paradis papers. Pour éviter d’être classées sur la liste noire définitive, les juridictions devaient respecter trois grands critères définis par le Conseil européen fin 2016 : se conformer aux standards d’échange automatique de données de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), éviter de favoriser l’implantation de sociétés offshore et s’engager à accepter, d’ici à fin 2017, les lignes directrices de lutte contre l’évasion fiscale des multinationales de l’OCDE.
Si la démarche était attendue, le choix d’exclure d’emblée les pays européens de cette liste a fait l’objet de vives critiques. Selon le rapport de l’association Oxfam, si l’Union avait respecté ses propres critères, 4 Etats-membres auraient dû figurer sur sa liste noire : l’Irlande, le Luxembourg, le Pays-Bas et Malte. Même constat du côté de la délégation socialiste française. Dans un communiqué, le groupe politique a annoncé vouloir défendre un amendement pour que ces quatre Etats-membres soient reconnus comme paradis fiscaux, par le Parlement européen.
Une absence de sanctions clairement définies.
Pour les Etats ayant décidé de se conformer aux demandes de l’UE, les pays développés ont jusqu’à fin 2018 pour le faire et les pays en développement jusqu’à fin 2019. « Les deux listes seront régulièrement actualisées » a précisé le ministre des Finances français Bruno Lemaire. Le commissaire européen des Affaires économiques, Pierre Moscovici, a néanmoins invité les Etats-membres à « éviter toute naïveté sur les engagements », les appelant à définir des sanctions nationales dissuasives rapidement ». En cas de non-respect de leurs engagements, seul un gel de fonds européens est prévu à ce jour.
Les 28 ministres des Finances étaient divisés sur la question des sanctions. Pour le Royaume-Uni, le Pays-Bas, l’Irlande ou la Suède, le simple fait d’être nommé sur la liste constituait une sanction. La France, la Belgique ou l’Allemagne, prônaient quant à eux des sanctions dures telles que la réduction d’échanges commerciaux. En conférence de presse, le vice-président de la Commission Valdis Dombrovskis a admis que la Commission européenne aurait voulu "aller plus loin" concernant les sanctions dissuasives.
Si la liste noire de l’UE est bien plus fournie que celle publiée par l’OCDE en juin 2017 (un seul pays sur la liste : Trinidad-et-Tobago), la victoire reste donc en demi-teinte pour les défenseurs de la justice fiscale.