Un socle européen de droits sociaux a été présenté, ce mercredi, par la Commission européenne. Dans la vague des courants populistes en Europe qui dénoncent à tort et à travers une Union européenne (UE) ultra-libérale et destructrice, Bruxelles a décidé de riposter. Avec l’introduction d’un pilier de droits sociaux, l’UE veut imaginer un futur équitable pour tous.
Construire une Europe sociale : voici un projet qui avait été mis au placard depuis quelques années. D’autres chantiers représentaient alors des priorités plus urgentes telles que la mise en place de la monnaie unique ou les ambitions d’élargissement de l’UE. Cependant, à l’heure où le fossé s’agrandit tous les jours un peu plus entre les pays du Nord et du Sud, de l’Ouest et de l’Est du continent, il y a une urgence pour construire une Europe solidaire et plus sociale. Un point que Jean-Claude Juncker a très vite souligné lors de son arrivée à la Commission en 2014. Il s’était d’ailleurs exprimé : « Je veux mettre les priorités sociales au cœur du travail de l’Europe. »
C’est donc dans cette optique que Marianne Thyssen, commissaire aux affaires sociales, a présenté 20 principes et droits pour soutenir un marché de l’emploi juste et une sécurité sociale efficace pour tout citoyen européen. Concrètement, ces mesures visent, par exemple, à améliorer le marché du travail des femmes, ou à aider à concilier travail, congé parental et paternel ainsi que les soins aux parents âgés.
Même si ces initiatives ne représentent pas encore un paquet social solide et applicable par tous les Etats-membres, elles ont le mérite de dresser un cadre normatif auquel chaque pays peut se référer. La Commission pourra alors apporter son aide dans l’implémentation de réformes nationales et régionales, afin de répondre unilatéralement à la mondialisation, la numérisation ou le vieillissement de la population.
Vers une Europe à plusieurs vitesses ?
« Je ne me fais pas d’illusion. Certains diront que nous allons trop loin ou pas », confiait la commissaire Thyssen lors de la présentation son ambitieux paquet. En effet, ne possédant pas la compétence exclusive pour les matières de l’emploi et des affaires sociales, la Commission ne peut que s’exprimer par recommandation. Certaines mesures constituent des propositions législatives, d’autres ne le sont pas. C’est maintenant au tour du Parlement européen et du Conseil de travailler sur ces initiatives. Cependant, il est très probable qu’un blocage se crée au Conseil. Par les temps qui courent, certains Etats-membres ne sont pas enthousiastes à l’idée de s’engager vers une intégration croissante à grande échelle, tel que le paquet social le préconiserait. Pour rappel, lors de la révision sur la directive des travailleurs détachés, les pays de l’Est s’étaient déjà montrés très réticents à une harmonisation du marché du travail.
Si un scénario de désaccord devait se réaliser, la commissaire s’est dit prête à s’engager avec les pays qui le voudraient. Un telle action pourrait dès lors créer une Europe à plusieurs vitesses ; un scénario mis en avant par Jean-Claude Juncker lors de la présentation de son livre blanc sur le futur de l’UE.
Un message aux électeurs français
Tout au long de la campagne présidentielle, une majorité de candidats se sont montrés très critiques sur l’Europe actuelle, jugée dangereuse et dérégulatrice. Avec Marine Le Pen, la candidate ouvertement europhobe, présente au deuxième tour de la présidentielle, il semblait opportun pour la Commission de rappeler son projet social pour l’ensemble des Européens. Même si les mesures proposées sont intéressantes, elles restent relativement floues, ce qui pourrait laisser imaginer une certaine précipitation dans leur publication. Sur ce point, Bruxelles a simplement rétorqué que ce paquet social représentait avant tout une réflexion sur l’avenir de l’UE, tout à fait indépendante de l’actualité française.
G. Mercier & V. Lerouge