C’est ce mardi 28 février que la Commission européenne était appelée à voter une définition des perturbateurs endocriniens. Au terme de cette journée, elle essuie un nouveau revers.
De quoi parle-t-on ?
Phtalates, bisphénol A, parabènes… Ces perturbateurs endocriniens (PE) correspondent à des substances chimiques que l’on trouve dans plusieurs produits du quotidien, tels que les plastiques, les pesticides, les conditionnements alimentaires ou les cosmétiques. Difficile de les éviter, même en faisant attention à ce que l’on mange ou à l’environnement dans lequel on vit. La preuve : il y a une semaine, huit figures de l’écologie se sont prêtées à une expérience menée par l’ONG Générations Futures (dont Nicolas Hulot et José Bové). Une mèche de cheveux a été prélevée sur chacun d’eux et leur analyse est sans appel : tous présentent une contamination aux PE. Le but de cette opération de communication était d’éveiller les consciences et d’appeler l’Union européenne à agir sur ce dossier.
Quels sont les risques ?
Ces molécules chimiques bloquent ou modifient l’action d’une hormone. Dès lors, une exposition prolongée à ces perturbateurs, même infime, provoque un dérèglement du système hormonal. D’autre part, les PE sont suspectés de favoriser certains cancers, diabète et autres maladies de la reproduction. Le lien de causalité entre ces substances chimiques et ces maladies reste néanmoins difficile à prouver. Seule certitude : le moment d’exposition est primordial, puisque les populations les plus à risque sont les fœtus, les jeunes enfants et les adolescents. « L’effet cocktail », le mélange entre plusieurs substances, peut également être très dangereux, même s’il reste totalement imprévisible. La société savante des endocrinologues, Endocrine Society, regroupant 18 000 membres dans 120 pays différents, chiffrait en 2016 à près de « 163 milliards par an, en frais de santé et en perte de productivité économique » le coût de l’exposition des européens à ces substances.
Mais que fait l’Union européenne ?
Malgré les éléments à charge qui s’accumulent contre ces PE, l’Union européenne patine. En juin dernier, elle proposait une définition trop restrictive au regard de celle de l’OMS. Un perturbateur endocrinien devait être entendu, selon elle, comme : « Une substance qui a des effets indésirables sur la santé humaine et qui agit sur le système hormonal, et dont le lien entre les deux est prouvé ». Une pluie de critiques s’est immédiatement abattue contre ce texte. De nombreux parlementaires, ONG et scientifiques ont crié au scandale, estimant que les preuves à recueillir pour espérer retirer les PE du marché étaient rendues trop lourdes. La Commission a été priée de revoir son texte. En décembre dernier, la nouvelle copie faisait toujours aussi peu d’adeptes du côté des États membres. Et pour cause, car elle limitait davantage encore le nombre de pesticides considérés comme perturbateurs endocriniens et susceptibles d’être interdits. La définition proposée ce 28 février a-t-elle finalement emporté l’adhésion ? La réponse est non. Les États membres ne sont en effet pas parvenus à se mettre d’accord sur la proposition de la Commission, qui s’est soldée par un échec. Aucune date ultérieure n’aurait été proposée en vue d’un nouveau vote.
Le dossier des perturbateurs endocriniens est traité au sein de l’UE via des procédures aussi complexes qu’opaques, et échappe en partie au seul pouvoir de la Commission. C’est en effet à un comité composé d’un expert par État membre qu’elle doit présenter sa définition des PE. Reste que pour être approuvée, celle-ci doit être votée à une majorité qualifiée des États membres. Au terme de cette nouvelle tentative de définition, aucune majorité n’a pu être dégagée, et aucun vote n’a pu formellement avoir lieu. L’ONG Générations Futures se réjouit de ce nouveau revers : « Heureusement, des États membres, dont la France, ont refusé de voter cette proposition de la CE en faisant part de leurs désaccords sur le fond de ce texte inacceptable ». La Suède et le Danemark se joignent à la France, jugeant les critères de définition proposés par la Commission toujours trop restrictifs.
Le lobby, cet obstacle infranchissable…
Pour les lobbys de l’industrie chimique, c’était le branle-bas de combat. Les groupes d’intérêts avaient aujourd’hui les yeux rivés sur Bruxelles, eux qui agissent dans l’ombre depuis plusieurs années pour que la définition de la Commission ne se compose que des termes les plus faibles. Et qui dit définition faible, dit réglementation faible. En décembre dernier, une centaine de scientifiques européens et américains s’exprimaient dans une tribune du Monde et y dénonçaient ces « intérêts industriels » qui « déforment délibérément des preuves scientifiques » pour éviter tout encadrement des PE.