Après avoir agité le chiffon rouge et retardé la signature du CETA (l’accord de libre-échange entre l’UE et le Canada), Paul Magnette, la figure de la résistance wallonne, ne veut pas en rester là. Dans sa déclaration de Namur, le président-ministre wallon lance des propositions pour poser les conditions de négociation des futurs traités de commerce internationaux. Pour rappel, ces derniers sont soumis à la ratification des parlements européen, nationaux et régionaux dans les États fédéraux.
Reprenant ses habits de professeur universitaire de la politique européenne à l’Université libre de Bruxelles, Paul Magnette signe ce texte, en trois chapitres, réfléchi au lendemain de la conclusion de l’accord intrabelge avec une dizaine d’universitaires. Il rassemble aujourd’hui quarante noms du monde académique, parmi lesquels les économistes français Thomas Piketty, Philippe Aghion, et Jean-Paul Fitoussi, les universitaires belges Philippe Van Pariks et Jean-Michel de Waele ou encore l’ancien commissaire européen à l’emploi Laszlo Andor. Des universitaires canadiens et américains ont également cosigné le texte.
Plus de transparence
Les signataires considèrent que les débats autour du CETA ont « révélé que la manière dont l’UE négocie les traités internationaux et le contenu de ceux-ci, sont contestés par des pans toujours plus larges des opinions publiques ». Ils demandent plus de transparence, en associant davantage les acteurs de la société civile, en rendant public des « analyses contradictoires » et « résultats des négociations » en cours, et en ne privilégiant pas la méthode de « l’application provisoire » avant ratification par les parlements. Dans un second chapitre, le texte demande l’exclusion des services publics et d’intérêt général des traités commerciaux, ainsi que l’abandon de la méthode des « listes négatives » qui ouvre le champ du libre-échange à toutes les activités non explicitement citées. Enfin, le texte consacre un chapitre au règlement des différends entre États et entreprises, point sur lequel les discussions ont achoppé lors des négociations d'octobre. Les signataires estiment qu’il faut « privilégier le recours aux juridictions nationales et européennes compétentes ».
Le texte aura t-il l’effet escompté auprès des institutions européennes ? Pour Frederic Masquelin, le porte-parole de Paul Magnette, « on espère que la déclaration de Namur aura des effets pour faire bouger les choses, sans la certitude que cela réussisse ». Concernant la contribution d’universitaires, « c’était une volonté de ne pas faire une démarche purement politique, et pour peser davantage sur la position de la Commission », précise le porte-parole. La déclaration de Namur a été envoyée début décembre au président de la Commission, Jean-Claude Juncker et à la commissaire sur le Commerce, Cecilia Malmström. « Une première discussion sur le sujet a eu lieu avec les ministres du Commerce au Conseil des ministres de novembre, et la Commission attend du Conseil que le sujet soit de nouveau à l'agenda des réunions prochainement », précise le porte-parole de la Commission sur le commerce, ajoutant que la déclaration « inclut de bonnes idées sur lesquelles la Commission a travaillé et montré des résultats, comme le point sur une transparence accrue. D'autres points méritent un débat. »