Trump, Clinton : leur vision de l'Europe

Bruxelles observera attentivement les résultats de l'élection présidentielle aux États-Unis. Quelque soit le vainqueur, la relation entre les États-Unis et l'Union Européenne aura bien des défis à relever... et des leçons à tirer de la candidature d'un Donald Trump, dont les sorties eurosceptiques ont remis en cause la relation transatlantique.

Le sujet n'a pas vraiment été la priorité des deux candidats, ce qui est déjà un indicateur. « Pour les Américains, l’Union européenne est considérée comme une myriade de nations avec lesquelles négocier, non comme une puissance supranationale », analyse Jérôme Jamin, professeur de science politique à l’université de Liège. Mais au fil des meetings et des pages de leur programme, de nettes différences se dessinent entre les deux candidats.

La défense militaire
L'une des principales différences entre les deux candidats repose sur les questions de défense extérieure, notamment l’appartenance à l’OTAN (Organisation du Traité de l'Atlantique-Nord, signé en 1945). « D. Trump considère que le soutien militaire coûte trop cher aux États-Unis. Il reprend l’idée « America First » : on intervient que si les intérêts américains sont en danger. », commente Jérôme Jamin. S’il n’envisage pas la sortie de l’OTAN, Donald Trump insiste pour que la protection militaire par les États-Unis soit monnayée, remettant en cause l'article 5 du traité de l'OTAN, selon lequel les États-Unis interviennent si un pays signataire est attaqué. « Cette position pourrait pousser l’Union européenne à construire un projet de défense communautaire », analyse Jérôme Jamin. Ce que certains eurodéputés appellent de leurs vœux, maintenant que le Royaume Uni - qui s'y opposait - est sur le départ. À l'opposé, Hilary Clinton, ancienne secrétaire d'État aux Affaires étrangères, s’inscrit dans la continuité de la politique d’Obama et répond par l’inquiétude aux propos de Donald Trump : « c'est un signal dangereux, autant pour nos amis que pour nos ennemis ».

Brexit
Donald Trump a célébré le "oui" lors du référendum sur la sortie de la Grande-Bretagne au sein de l'UE. « Le peuple a parlé. L’Union Européenne est en train de s'écrouler (…) les peuples en ont assez » a-t-il déclaré. Quant à Hilary Clinton, elle déplorait un affaiblissement du leadership européen et la perte d'un des principaux alliés des États-Unis au sein de l'UE. Le Brexit marque aussi un coup d'arrêt aux négociations sur le traité de libre-échange entre l'UE et les États-Unis, actuellement en veille en attendant la prochaine présidence américaine.

Accord de libre-échange
Sur ce sujet, les deux candidats ont montré le même scepticisme à l'égard des traités de libre-échange. Durant la campagne, Hilary Clinton affirmait que « tout échange qui tue les emplois ou revoit les salaires à la baisse (...) je m’y oppose maintenant, je m’y opposerai en tant que présidente ». Pour le politologue Jérôme Jamin, « il n’est pas question pour H. Clinton de revenir sur les traités de libre-échange, alors qu'elle était à la manœuvre. Cette position s’explique par la reprise des critiques de son opposant démocrate Bernie Sanders, qui avait été salué pour avoir contesté ces accords. Si elle a affirmé être prête à réaménager ces accords, H. Clinton n’a jamais soulevé la question du TTIP ». Du côté de D. Trump, il affirmait que s'il était élu, il ne négocierait plus que des accords bilatéraux, « et plus jamais des accords massifs avec plusieurs pays et des milliers de pages », qui selon lui désavantagent l'économie américaine.

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Diplomatie avec la Russie
Un autre point sur lequel l’UE sera attentive concerne l'attitude diplomatique vis-à-vis de la Russie. Si Hilary Clinton assumait la présidence, la ligne dure actuellement tracée par l'administration Obama ne devrait pas bouger. « On se rappelle du "reset" avec la Russie. Un échec total ! » souligne Jérôme Jamin. En 2009, Hilary Clinton, alors secrétaire d'État, avait essuyé un revers lors de sa tentative pour repartir de zéro avec la Russie. Depuis, les relations n'ont cessé de se dégrader avec les dossiers libyen et ukrainien. Son adversaire D. Trump plaide au contraire pour tirer un trait sur le climat de guerre froide avec Moscou et retourner à la table des négociations. Les deux hommes se sont par ailleurs renvoyés mutuellement des compliments, Trump ne tarissant pas d'éloges envers Poutine, « un homme fort, un homme puissant, qui représente son pays ».

M. Berthomé & V. Lerouge