Rio: une fête en faillite

Manifestation devant l'Assemblée Législative de Rio vire au conflit entre forces de l'ordre et manifestant. Photo ABR

Le 17 juin, l'Etat de Rio de Janeiro a été déclaré en faillite. Depuis, la situation ne fait qu'empirer, de nombreux fonctionnaires se retrouvent sans salaire. Au Brésil, le taux de chômage dépasse les 33%, l'Etat de Rio en tête. Dans ces conditions, difficile de fêter le Réveillon le plus célèbre du monde.

4 minutes de moins 

C’est le temps que coute la crise financière de l’Etat de Rio aux feux d’artifice du réveillon du nouvel an. Cette année les célèbres feux de Copacabana dureront 12 minutes au lieu de 16 en temps normal. La faute au manque d’argent alloué à cette fête de fin d’année qui attire plus de 2 millions de touristes.
Photo des feux d'artifice depuis la plage de Copacabana pour le Réveillon 2016. Photo Christophe Simon/AFP
Photo des feux d'artifice depuis la plage de Copacabana pour le Réveillon 2016. Photo Christophe Simon/AFP
 Le secrétaire au tourisme, Antonio Pedro Figueira Mello vient d’annoncer que le budget de l’événement, normalement entièrement financé par des sponsors privés, sera amputé. L’Etat déboursera exceptionnellement 5 millions de réaux (1,4 millions d’euros) pour maintenir à flot le budget initial.  Les scandales de corruption et la crise économique ont eu raison d’une grande partie des financements alloués par les entreprises privées. 

Si seulement la crise pouvait se limiter à 4 minutes…

La police militaire chargée de la sécurité des 4 kilomètres de plage de Copacabana ainsi que les pompiers déployés dans le secteur demandent à ce que le réveillon soit tout simplement annulé par la mairie de Rio, craignant qu’il n’y ai de violentes manifestations sur la plage.

Depuis plusieurs mois, l’Etat de Rio est en faillite. Une grande partie des fonctionnaires n’ont pas reçu leur salaire depuis le mois de Novembre, ni leur 13ème mois. 

Les restos du coeur improvisés 

La situation est si grave, que les magistrats et les juges de Rio ont lancé une campagne de collecte de nourriture basique de première nécessité, tel que riz, pâtes, haricots et des cadeaux de Noel pour les enfants des familles touchées. 34 tonnes d’aliments récoltés, 2000 paniers ont été distribués… mais il manque encore les fonctionnaires retraités qui n’ont pas reçu leur pension depuis novembre.

« Ca fait deux mois que je dois payer mon loyer, je me saigne à cause des erreurs d’un gouvernement en faillite qui veut nous supprimer le droit à recevoir un salaire digne » explique Adriana Nogueira, retraitée du service public de la ville. Etre serviteur public était jusqu’à présent une garantie de stabilité et de rémunération correcte au Brésil. Le rêve fonctionnaire n’est plus.

Donation d'aliments pour les fonctionnaires actifs et retraités toujours en attente de leur salaire et de leur treizième mois. Photo AFP
Il y a quelques semaines, le 6 décembre dernier, une manifestation devant l’assemblée législative de Rio de Janeiro dénonçant le vote de la PEC 52 (une série de mesure visant à congeler les dépenses publiques sur 20 ans) a viré en conflit armé contre la police qui a du se réfugié dans une église. L’image a scandalisé l’opinion, les policiers continuant de viser les manifestants avec des bombes lacrymogènes depuis le cloitre où ils s’abritaient, se servant de l’édifice religieux comme d’un bouclier. 

Panier, loyer et jet privé 

Pendant ce temps là comme il faut se serrer la ceinture et les coudes, Luiz Fernando Pezao, le gouverneur de l’Etat de Rio, vient de renouveler le contrat de location du jet privé mis à disposition de son bureau pour 1,5 million de réaux (400 millions d’euros) au lieu des 6 millions alloués annuellement, afin de « participer » à l’effort de crise. Et le président du Tribunal de justice de Rio vient d’autoriser l’ouverture d’un appel d’offre pour l’embauche de serveurs et valets au service des 800 magistrats du tribunal, pour une valeur de presque 14 millions de réaux (4,11 millions d’euros).

Une débauche de dépense qui a révolté les syndicats mais justifiée par la création d’emplois. Un effort de guerre dira-t-on.

 Fanny Lothaire