Plus de 20 ans après avoir échappé au génocide qui a ravagé son pays, il s'apprête à défendre sa place sur les hauteurs de Rio. Telle est l'histoire de Nathan Byukusenge, ce cycliste rwandais âgé de 35 ans. Récit d'une apogée teintée de sang et de souffrance.
"Le cyclisme a changé ma vie"
En 1994, alors qu'il n'a que 14 ans, Nathan voit plusieurs membres de sa famille périr dans le génocide rwandais. Quelques années plus tard, équipé d'un vélo de fortune, il devient "taxi-cycliste". Des heures durant, il transporte ses clients d'un bout à l'autre de la ville de Kigali. C'est ainsi que débute la grande histoire entre Nathan et le vélo. En 2003, il commence à s'entraîner, avant d'intégrer la Team Rwanda, l'équipe nationale de cyclisme professionnel, en 2007. "Je suis très discipliné, très concentré sur ma carrière", raconte-t-il.
Et ça paie. Championnats nationaux, continentaux … Nathan enchaîne les courses. En septembre dernier, il devient le premier rwandais à participer aux championnats du Monde de VTT cross-country. "Le cyclisme a changé ma vie. Maintenant, je gagne de l'argent grâce au vélo". D'ici une quinzaine de jours, Nathan sera l'un des 50 cyclistes à disputer l'épreuve de Mountain Byke à Rio. "Ce sont mes premiers Jeux Olympiques. Je suis très excité, toute ma famille va me suivre à la télévision". Son objectif ? "Le top 10 du classement".
Un héros national
Outre un défi sportif, les Jeux Olympiques constituent également l'opportunité d'accroître la visibilité et la popularité du cyclisme au Rwanda. Dans ce pays ravagé par la guerre et la souffrance, la pratique du cyclisme est encore bredouillante. C'est ce qu'explique Kimberly Coats, chargée de communication au sein de la Team Rwanda "Le cyclisme est en train de devenir de plus en plus populaire. Peu à peu, les gens commencent à s'y intéresser. Et ça, c'est grâce à Nathan et à nos autres champions. Ils voyagent dans le monde entier et représentent de véritables héros nationaux".
Nathan il y a 2 mois, lors de son entraînement en Belgique.
L'après JO
Valoriser son sport dans son pays et défendre ses couleurs à Rio. Telle est donc la double tâche qui incombe à Nathan. Mais à 35 ans, il est conscient que, d'ici peu, sa carrière touchera à sa fin. "Si mon corps me donne la force de continuer, je continue. J'attends que mon corps me dise d'arrêter". Pour retarder l'échéance, Nathan s'efforce de conserver sa force physique. Il surveille rigoureusement son alimentation et s'entraîne intensivement. "Je me donne encore 5 années environ", prévoit-il.
Et après les Jeux Olympiques ? Nathan envisage de se reconvertir dans l'entraînement des cyclistes pour devenir le premier coach rwandais professionnel. "Il n'y a que 5 ans que le cyclisme a vraiment démarré au Rwanda et, pour le moment, personne n'a le niveau pour entraîner". Il se pourrait bien que, d'ici quelques temps, Nathan forme ceux qu'il fait aujourd'hui rêver. Et qui, peut-être, deviendront les nouveaux héros nationaux.
Marie Gentric pour Fanny Lothaire