La Fiocruz, l'une des institutions de science et de technologie les plus proéminentes d’Amérique Latine, a accueilli ce 24 février à Rio une conférence de presse sur les avancées et les partenariats relatifs au virus Zika. Joaquime Molina, représentant de l'OPAS (Ordonnance sur les prestations de l'assurance des soins ), Carissa Etienne, directrice de l'OPAS, Margaret Chan, directrice générale de l'OMS (l'Organisation Mondiale de la Santé) et Marcelo Castro, ministre brésilien de la Santé, étaient présents.
A 17h30, les quatre personnalités ont pénétré dans la salle de presse. Margaret Chan a arboré son plus beau sourire et son plus beau tee-shirt. Offert par le gouvernement Brésilien, le haut blanc était affublé d'un énorme moustique barré. Non au Zika. Le message est toute de suite passé.
La responsable de l'OMS et le ministre de la Santé, Marcelo Castro, ont tous deux pris la parole pour féliciter et encourager le gouvernement à continuer dans cette voie. La transparence de ce dernier, ainsi que la mise en place de campagnes de sensibilisation et de partenariats avec la communauté scientifique internationale, ont été particulièrement mis en avant.
Entre espoir et pessimisme
Le Ministre de la Santé s'est montré très optimiste. Il a évoqué les partenariats développés avec le monde entier, en particulier les Etats-Unis et l'Angleterre. Il a également mentionné l'élaboration de traitements et de nouvelles technologies destinés à endiguer la propagation du virus. Parmi les possibilités évoquées, figurent la fabrication de moustiques transgéniques, l'élaboration d'applications mobiles et la construction de drones. Néanmoins, le point-clef de son intervention concerne le développement d'un "vaccin révolutionnaire" contre Zika. "Nous avons fait le grand pari de développer un vaccin très rapidement. Les scientifiques sont extrêmement optimistes". Marcelo Castro a pourtant nuancé certaines de ses déclarations, teintant son discours de prudence et de lucidité . "Le développement du vaccin ne signifie pas sa mise en circulation. Une fois élaboré, le vaccin doit passer des tests cliniques avant d'être disponible pour la population" a-t-il rappelé. Selon les prévisions, le vaccin devrait ainsi être mis en circulation d'ici trois ans. Une hypothèse ambitieuse, dont la concrétisation marquerait un véritable "pas de géant pour le monde".
De son côté, la Directrice générale de l'OMS, Margaret Chan, a quant à elle laissé transparaître un certain pessimisme. Elle a notamment affirmé que la situation générale, déjà tendue, tendrait à s'empirer dans les mois à venir. Selon elle, la Colombie pourrait être le prochain pays à voir son nombre de victimes du Zika augmenter. Pourtant, elle s'est montrée rassurante, réaffirmant sa confiance dans la capacité du Brésil à gagner la guerre contre le moustique Aedes, ce "redoutable ennemi". "Parfois on gagne, parfois nos ennemis gagnent. Mais je suis sûre que le Brésil est plus fort qu'un moustique" a-t-elle affirmé d'un ton ferme et encourageant.
De concert, Marcelo Castro et Margaret Chan ont souligné qu'en dépit de la corrélation observée entre les cas de Zika chez les femmes enceintes et ceux de microcéphalie chez les nouveaux nés, aucune relation de causalité ne peut encore être confirmée. Comme l'a rappelé la Directrice générale de l'OMS, "le Zika n'est peut-être pas la cause suffisante de la microcéphalie. Il est possible que des facteurs antérieurs entrent en ligne de compte". Une allusion implicite à l'hypothèse des pesticides, récemment évoquées par des chercheurs sud-américains ?
Responsable, mais pas trop
Confronté à une crise sanitaire mondiale et inédite, le Brésil se trouve au centre de la scène scientifique internationale. « Le Brésil est l'épicentre de cette épidémie. Son rôle est primordiale », a ainsi déclaré Carissa Etienne, directrice de l'OPAS. Objet de tous les regards, le pays écope d'une lourde responsabilité sanitaire et s'affirme, pour la première fois, comme un protagoniste en la matière. Il a pour devoir de chercher des solutions, d'informer et d'agir, non seulement pour la population brésilienne, mais aussi pour les pays du monde entier. « Le Brésil est précurseur, une grande avancée verra le jour rapidement », ont assuré les politiques et les scientifiques présents.
Et pour cela « il faut se réunir, se coordonner, agir ensemble contre cette menace commune », selon Magaret Chan. Tout ne repose donc pas sur les épaules du gouvernement brésilien. C'est d'ailleurs ce qu'a souligné, à plusieurs reprises, le ministre de la Santé. « C'est à chacun de faire attention à soi, à sa famille, à autrui, en respectant les règles fondamentales. Inspecter sa maison une fois par semaine pendant 15 minutes peut être un geste qui sauve. Il faut vérifier les zones où l'eau peut stagner et faire le ménage. Sinon, cette maison deviendra celle des moustiques et un danger pour tout le monde », a-t-il rappelé.
L'épineuse question de l'avortement
Si les intervenants ont fait consensus en évoquant la responsabilité internationale du pays et le devoir civil des citoyens, la question de l'avortement a quant à elle suscité un certain malaise. Lorsque l'une des journalistes a évoqué le sujet tabou, le ministre de la Santé a affiché une certaine gêne. Il a tenté d'esquiver le problème, se contentant d'une réponse neutre et laconique.« La position officielle du gouvernement entend que les cas de microcéphalies ne font pas partis des critères légaux du droit à l'avortement au Brésil », a-t-il simplement justifié. Pourtant, parmi les personnalités, certaines se sont positionnées plus clairement : « J'aimerais profiter de cette occasion pour dire que les femmes devraient avoir le choix ou non d'être enceintes », a lancé Carrisa Etienne. Un discours soutenu entre les lignes par Magaret Chan, qui estime qu'il est du devoir d'un gouvernement de procurer informations et moyens de contraception aux citoyens, ensuite libres de faire leur propre choix.
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Fanny Lothaire, Marie Gentric et Anne-Flore Roulette