Une plongée dans l'ex-RDA: la nostalgie comme thérapie contre Alzheimer

©DPA

La maison de retraite Alexa, située à Dresde, a développé une nouvelle thérapie pour soigner les pensionnaires atteints de démence sénile ou de la maladie d'Alzheimer. Elle a ouvert deux « salle du souvenir » pour replonger les personnes âgées au temps de la RDA. Une thérapie qui repose sur l’« Ostalgie », cette nostalgie de l'ancienne Allemagne de l'Est, et qui serait efficace ! 

Sur les 130 patients de la maison, 20 sont atteints de démence et ont accès à ces deux salles : toute la décoration les ramène dans l’Allemagne de l’Est des années 60-70. Des portraits d’Erich Honecker, un mini « intershop », un supermarché comme on pouvait en trouver en RDA… On trouve aussi des piles de fausses pièces de monnaie à l'effigie de Karl Marx et en fond sonore, des chansons d'époque, les tubes qui faisaient danser la RDA comme les chansons de Karel Gott, chanteur de schlager…. Se trouve aussi au sous-sol une cuisine du type « Ratiomat 95 », typique de l’époque avec tout le matériel nécessaire : mixeur électrique, trancheur à pain… "Hitler, c'était un fou et nous avons souffert pendant la guerre et aussi après. Mais en RDA, progressivement, nos vies se sont améliorées, on avait de nouveau à manger", se souvient une octogénaire, Margit Hikisch, pensionnaire de la maison de retraite. Ces deux "salles des souvenirs", installées dans l'hospice depuis janvier 2016, accueillent les pensionnaires du lundi au vendredi, du petit-déjeuner au dîner. Ce reportage de Spiegel TV donne un bel aperçu de la maison.

Produits de la RDA et le portrait d'Honecker ©DPA

Produits de la RDA et le portrait d'Honecker ©DPA

Tout a commencé il y a un an et demi, par hasard. « Quand nous avons voulu mettre en place une salle de cinéma à la maison ici pour montrer des vieux films de la RDA, nous avons mis un scooter « Troll » comme décoration », explique à la Bild le directeur de la maison, Gunter Wolfram. Il assure que l'immersion dans ce bric-à-brac permet aux patients de récupérer un peu de leurs capacités cognitives, intellectuelles et physiques. « Des objets liés à une époque précise peuvent déclencher de très fortes émotions. Ce sont ces émotions qui nous intéressent, car elles jouent un rôle décisif dans le traitement », dit-il. « Nous avons vu des gens émerger de leur léthargie, soudainement capables de beurrer leur tartine, de manger, boire, aller aux toilettes seuls, qui sont bien plus amicaux et intéressés par ce qu'il se passe autour d'eux ».

 

Magnétophone original et papier peint des années 70, avecle directeur de la maison, Gunter Wolfram ©Dirk Sudow

Magnétophone original et papier peint des années 70, avecle directeur de la maison, Gunter Wolfram ©Dirk Sudow

Andreas Kruse, directeur du département de gérontologie de l'université de Heidelberg, dans l'ouest de l'Allemagne, sans lien professionnel avec la maison de retraite Alexa, estime que la démarche empirique du directeur de cet établissement repose sur des fondements scientifiques sérieux. Mais le spécialiste, qui a mené des études sur des personnes âgées rescapées de la Shoah ou d'anciens dissidents soviétiques, redoute aussi que cette exposition répétée au passé ne ravive les traumatismes.

 

Par Sibylle Aoudjhane (avec AFP)