Mauricio Hochschild, le « Schindler de Bolivie » qui a sauvé des milliers de Juifs

© AIZAR RALDES / AFP

Mauricio Hochschild était un riche industriel allemand installé en Bolivie. Là-bas, il avait la réputation d'être un magnat de l'étain, ne pensant qu'au profit. Mais 52 ans après sa mort, c'est le portrait d'un autre homme que l'on découvre: un "Schindler" bolivien qui a sauvé des milliers de juifs durant la Seconde Guerre mondiale. 

Mauricio Hochschild est un juif né en Allemagne, à Biblis en 1881. Il a émigré en Amérique du sud au début du XXème siècle, où il a fait fortune dans l’exploitation de l’étain, mais en repartira en 1944 et mourra en 1965 à Paris. C’est seulement depuis les années 2000 que la Corporation minière de Bolivie (Camibol) a commencé à mettre de l'ordre dans sa montagne de vieux papiers "qui étaient en total abandon", raconte à l'AFP Edgar Ramirez, directeur des archives de l'institution. Ils ont découvert peu à peu dans ses archives des documents montrant qu'il avait permis à des Juifs allemands de trouver refuge en Bolivie entre les années 30 et 40.

Parmi ces papiers, se trouvaient des contrats de travail accordés à des employés juifs, comme Erico Nagel Thale, né à Leipzig en 1904 et arrivé en Bolivie à l'âge de 32 ans, avec sa mère Ana de 74 ans. Autre trouvaille, une lettre envoyée par la crèche Miraflores, à La Paz, demandant au chef d'entreprise son aide financière pour s'agrandir en prévision de l'arrivée prochaine de nombreux enfants juifs. Un autre courrier, du gouvernement français, lui demande même de faire venir en Bolivie près d'un millier d'orphelins juifs.

Mauricio Hochschild a donc aidé de nombreux juifs à quitter l'Allemagne et l'Europe en leur payant le transport, les démarches migratoires et le logement à leur arrivée. Ils étaient d'abord hébergés dans une ferme de la région de Yungas. Une histoire qui lui vaut aujourd'hui le surnom du « Schindler de Bolivie », en référence à l’industriel allemand qui a sauvé plus d'un millier de juifs pendant la dernière guerre et inspiré le film de Steven Spielberg en 1993. "Il a sauvé beaucoup d'âmes de l'Holocauste en les amenant en Bolivie et en créant du travail pour eux", explique à l'AFP Carola Campos, chef du service d'information de la Comibol.

 

Documents révélant que le baron de l’étain juif-allemand Mauricio Hochschild a aidé des milliers de Juifs à échapper au nazisme, © AFP /AIZAR RALDES

Dans ces milliers de documents, les preuves que Mauricio Hochschild a aidé des milliers de Juifs à fuir le nazisme, © AFP /AIZAR RALDES

Il aurait sauvé près de 9000 Juifs

Profitant de son amitié avec le président de l'époque, German Busch (1937-1939), Mauricio Hochschild obtient de lui en 1938 un assouplissement des conditions nécessaires pour émigrer en Bolivie, alors que seuls les agriculteurs étaient acceptés. Il fait ainsi venir, en cachette, des poètes, des historiens et des écrivains, soit disant pour améliorer la productivité agricole du pays, mais en réalité pour leur permettre de se sauver d'Europe, assure Edgar Ramirez. "En 1938, Hochschild calculait avoir fait venir entre 2.000 et 3.000 Juifs, et sept mois plus tard, en 1939, il estimait qu'ils étaient environ 9.000", indique à l'AFP le journaliste et historien Robert Brockmann.

Jacobo Blankitny, ancien déporté, a ainsi eu la chance de démarrer une nouvelle vie dans le pays andin, comme le raconte sa fille Monica: "C'est beau ce qui s'est passé. Nous remercions la Bolivie qui a ouvert ses portes. C'est l'un des rares pays à l'avoir fait, à avoir accueilli les réfugiés, ceux qui s'échappaient de la guerre".

L'ensemble des documents retrouvés par la Comibol ont été validés comme authentiques en octobre dernier par l'Unesco, qui les a inclus dans son programme "Mémoire du monde". Ils seront mis en ligne par le Musée de la mine bolivienne, afin de les rendre accessibles à tous.

 

Par Sibylle Aoudjane (avec AFP)