Récemment pointée du doigt par l'OCDE, l'Allemagne est invitée à mettre en œuvre des réformes rapidement pour résoudre un problème persistant: les différences salariales entre les hommes et les femmes.
En 2013, un dossier du Monde Diplomatique indiquait qu'en Allemagne, les femmes étaient payées 23 % de moins que les hommes en ancienne République Fédérale Allemande (RFA) et 6 % de moins en ancienne République Démocratique Allemande pour une heure de travail. Un an plus tard, une étude de l'Institut DIW de Berlin révèle que les inégalités salariales seraient en réalité beaucoup plus importantes. En effet, en prenant en compte l'ensemble des revenus liés au travail, au capital et à l'immobilier, les Allemandes touchent en réalité 49 % en moyenne de moins que les Allemands et les inégalités s'accroissent à mesure que l'on avance dans l'échelle des revenus.
La structure du marché du travail allemand mise en cause
Cette forte différence de salaire serait liée à la fois au mode de fonctionnement du marché du travail allemand et à la nature des activités occupées par les femmes. En France et en Allemagne, les femmes représentent environ la moitié de la population active (47,1% pour la France et 45,9% pour l'Allemagne, selon la Banque Mondiale). En revanche, beaucoup plus de femmes allemandes n'occupent pas d'emploi fixe : 45% de femmes actives allemandes ont une activité précaire ou à temps partiel, contre 29,8% en France. Il s'agit souvent de "minijobs", un emploi de courte durée dont le salaire est extrêmement faible (aux alentours de 400€ par mois) et qui ne permet pas à l'employé de cotiser pour la sécurité sociale. Ces "minijobs" sont synonymes de grande précarité, et comportent beaucoup d'inconvénients comme des horaires sans cesse changeantes et l'impossibilité de gravir les échelons, à cause de la courte durée du contrat.
De fortes répercussions sur la vie sociale
Une telle situation n'est pas sans conséquence sur le plan social. Les Allemandes sont désavantagées dans plusieurs domaines sur le marché du travail par rapport aux Françaises. D'abord, les réductions de salaire sont plus marquées, pour les mères de famille par exemple. Ensuite, elles sont confrontées, plus que les Françaises, aux conditions de travail précaire, aux chances inégales de promotion et à une sécurité sociale insuffisante. Les femmes, notamment les plus âgées, sont donc plus exposées au risque de pauvreté en Allemagne qu'en France. Mais il y a un autre problème. En France, plus de familles arrivent à concilier emploi et vie familiale. Beaucoup de femmes allemandes ont le sentiment de devoir choisir entre les deux. Ce qui a une conséquence sur le taux de natalité allemand puisque de plus en plus de femmes, en particulier celles ayant fait des études universitaires, choisissent de ne pas avoir d'enfant par peur d'entraver leur carrière professionnelle.
Des réformes insuffisantes ?
Préoccupée par cette situation, Angela Merkel tente de mettre en place un certain nombre de réformes pour y remédier. En 2001 déjà, les grandes associations de l'économie allemande avaient conclu un accord « pour la promotion de l'égalité entre les hommes et les femmes dans l'économie privée » en échange de la promesse du gouvernement de ne pas fixer de quotas. En 2015 toutefois, une loi a été adoptée visant à instaurer dès 2016 un quota d'au moins 30 % de femmes aux postes clés des grandes entreprises. Considérée comme une avancée, cette loi est jugée insuffisante par certains partis comme les Verts et le parti de gauche Die Linke qui espéraient un quota de 40 % ou 50 %. De plus, cette loi ne prévoit pas de sanction pour les PME qui ne respecteraient pas les règles. Après les remontrances de l'OCDE, concernant notamment les « minijobs », une avancée plus importante est peut-être à prévoir dans les prochains mois…
Par Marylou Magal