Pourquoi le FC Union Berlin est le club le plus mythique d'Allemagne

Presque tous les grands clubs de l'ancienne Allemagne de l'Est fêtent cette année leurs 50 ans. Notamment le 1. FC Union Berlin, qui a toujours cultivé sa différence, que ce soit sous la dictature communiste ou après la Réunification. Un mythe du foot allemand qui doit tout à ses fans.

En 1965, les dirigeants sportifs de la RDA décident de donner au football la place qui lui revient, celle du sport le plus populaire, et qu'il faut donc mieux contrôler. Et ce deux ans après la création de la Bundesliga, la ligue professionnelle à l'Ouest. Hors de question de laisser le chemin libre aux clubs de RFA. Dix clubs sont créés, un championnat mis sur pied. Chaque club est mis sous la coupe d'un combinat industriel ou d'une structure étatique, lui assurant ainsi d'importants moyens financiers. Une décision qui porte vite ses fruits sur la scène internationale. En 1974, le 1. FC Magdebourg remporte ainsi la Coupe d'Europe des vainqueurs de coupe. Le premier et dernier grand succès d'un Ostverein, un club de l'Est.

A Berlin-Est, deux clubs coexistent, le Dynamo et le 1. FC Union. Mais à la fin des années 70, seul le premier survole la DDR-Oberliga, l'élite du football est-allemand. Est-ce un hasard ? Le Dynamo était sous la coupe de la Stasi, la police politique du régime communiste. En tribune d’honneur, siégeaient les officiers de la sécurité d'État avec leurs enfants. Comme Erich Mielke, ministre de la Stasi et président du Berliner Fussball Club Dynamo Berlin. Plutôt pratique pour engranger 10 titres de champion d'affilée, de 79 à 88.

Erich Mielke (au centre) en 1970 lors d'un évènement de l'association sportive du Dynamo, Crédits : BStU, MfS, SdM/Fo/181

Erich Mielke (au centre) en 1970 lors d'un évènement de l'association sportive du Dynamo. Crédits : BStU, MfS, SdM/Fo/181

Un club financé directement par le Parti qui est rapidement haï par la classe ouvrière, et les opposants au régime. Et à Berlin-Est, l'équipe du prolétariat, c'est le 1. FC Union, ancré dans le quartier industriel de Oberschöneweide. Délaissé par le régime, Union revêt les habits du petit qui tient tête au Dynamo, donc à Erich Mielke et donc à la dictature communiste. Les jours de derby, le Dynamo accueille Union au Jahn-Sportpark, avec le Mur de Berlin juste derrière la tribune Nord, le kop des locaux. Quand un coup franc est sifflé pour Union et que se forme un mur, les supporters d'Union scandent «  Die Mauer muss weg ! die Mauer muss weg!  » (virez le mur ! virez le mur !). Et ce en plein visage d’Erich Mielke. Tout le monde savait de quel Mur on parlait, Mielke le premier.

Le 1. FC Union Berlin regorge d'histoires comme celle-là. Si être supporter d'Union impliquait un refus de l'ex-RDA et de sa répression politique, le club offrait également un refuge. Son stade constituait l'un de ces rares endroits où l'on pouvait s'exprimer. Difficile pour les agents de la Stasi d'intervenir au milieu de milliers de personnes. Ce stade, c'est l'Alte Försterei (l'ancienne maison forestière).

Stade An der alten Försterei. Crédits : fc-union-berlin.de

Stade An der alten Försterei. Crédits : fc-union-berlin.de

En 2008, le FC Union doit rénover son antre sous peine de perdre sa licence. Et il y a urgence. Les travées des places debout sont recouvertes de mauvaises herbes et le béton s'effrite. Mais les caisses du club sont vides. Et impossible de se tourner vers la ville, Berlin est endettée jusqu'au cou. Alors on se souvient d'une phrase qui revient souvent à l'Alte Försterei : «  Normalement, les clubs ont des fans mais chez nous, ce sont les fans qui ont un club. Alors quand ta maison menace de s'écrouler, tu fais les travaux toi-même ». Des centaines de bénévoles retroussent les manches et se relaient sur le chantier. Les Unioner passent leurs cinq semaines de congés annuels dans leur stade, leur salon à eux.

Et même les joueurs se retroussent les manches, comme Karim Benyamina, le meilleur buteur de l'histoire du club:

Des millions d'euros d'économisés, une enceinte de 23 000 places et des supporters qui peuvent affirmer « j'étais là, j'ai construit ma propre place debout ». Cette fierté d'appartenir à la famille se retrouve dans l'hymne du club, scandé par Nina Hagen, chanteuse mythique du punk est-allemand. Le début de la première strophe met les choses rapidement au clair avec «  Wir aus dem Osten...  » (nous qui venons de l'Est...). Envoyée avant l'entrée des équipes sur le terrain, la voix nasillarde de Nina donne toujours le frisson. Les Unioner ont ajouté une phrase, sous forme de clin d'œil à la réunification allemande : « Wir lassen uns nicht vom Westen kaufen » (Nous ne nous laissons pas acheter par l'Ouest).

 

Par Julien Mechaussie