Le 17 octobre dernier, l’hebdomadaire allemand de référence Der Spiegel a renoué avec sa tradition. Mettre à jour les scandales et faire tomber les puissants. Dans son viseur, la Coupe du monde 2006 organisée en Allemagne. La une ? « Le conte d’été détruit » et un monument, Franz Beckenbauer, vacille.
16. C’est le nombre d’années qu’a dû attendre l’Allemagne pour revivre un tel moment de communion nationale. Le 3 octobre 1990, le drapeau de l’Allemagne réunifiée est hissé devant le Reichstag, à Berlin. Quelques mois auparavant, cette nouvelle Allemagne était sacrée championne du monde en Italie. Et en 2006, la Nationalmannschaft offrait au pays son Sommermärchen, un conte d’été avec une équipe multiculturelle et un jeu rieur. Match après match, les Allemands célèbrent les victoires dans les rues, drapeaux à la main, fiers de leurs couleurs. Pas anodin dans un pays où parader en noir, rouge et or est tout de suite taxé de nationalisme. Avec ce conte d’été, l’Allemagne célébrait aussi les premiers fruits du processus de réunification et une insouciance enfin retrouvée.
Un souvenir collectif sérieusement écorné par les révélations du Spiegel. La fédération allemande de football (DFB) aurait donc acheté son Mondial 2006. En recourant à une caisse noire, elle se serait assurée le soutien de quatre voix asiatiques au cours du comité exécutif décisif de la FIFA en 2000. Cette même DFB qui avait revêtu ses habits de veuve éplorée il y a quelques mois après que la vérité a éclaté à propos des pratiques de la FIFA et de son secrétaire général, Sepp Blatter. Aujourd’hui, elle est accusée d’avoir eu recours aux mêmes méthodes que le Padre suisse. Avec près de 7 millions d’euros prêtés par l’ancien patron d’Adidas, Robert Louis-Dreyfus, et remboursés via un transfert d’argent fictif.
Rumeurs et accusations autour du Mondial 2006 étaient pourtant dans l’air depuis plusieurs mois déjà. Les Allemands ne voulaient cependant pas y croire. Mais devant les pirouettes bien maladroites des responsables, le doute n’a plus vraiment sa place. Depuis deux semaines, c’est sauve-qui-peut du côté de la DFB. Son patron, Wolfgang Niersbach, a ouvert ce bien triste bal. « Il n'y a eu aucune caisse noire liée à la DFB, au comité de candidature puis au comité d'organisation ». Quelques jours plus tard, celui qui peut déjà dire adieu au poste convoité de Président de l’UEFA, faisait bien triste figure lors d’une conférence de presse. Avec pour seuls arguments avancés « Je ne sais pas, c’est possible ». Puis c’était au tour de Theo Zwanziger, le très respecté prédécesseur de Niersbach à la DFB : « De la façon dont je vois les choses, Niersbach ment ». FIFA-DFB, même combat.
Il ne manquait plus à ce tableau qu’une icône allemande pour finir d’achever la parenthèse enchantée du Sommermärchen. Ce sera Franz Beckenbauer, le président du comité d’organisation 2006. Le Kaiser a d’abord nié en bloc, puis reconnu du bout des lèvres cette semaine « une erreur », tout en rejetant les accusations de voix achetées. Une ligne de défense bien bancale pour un empereur. Ces derniers jours, les déclarations de parlementaires allemands réclamant le lancement une procédure judiciaire se multiplient. Le parquet de Francfort, ville où se trouve le siège de la DFB, est déjà prêt : une enquête préliminaire a été ouverte.
Par Julien Mechaussie