Plus de 100 plaintes déposées par des femmes. C'est le bilan à ce jour de la nuit de la Saint-Sylvestre devant la célèbre cathédrale de Cologne et aux abords de la gare centrale de la ville. Près d'une semaine après les faits, l'indignation est au plus haut en Allemagne. Elle vise aussi des médias accusés d'avoir réagi bien trop tard.
"Une erreur claire d'appréciation". C'est par ces mots que les responsables de la ZDF justifient leur absence de réactivité après les agressions sexuelles du Nouvel An à Cologne mais aussi à Hambourg. Des explications qui convainquent difficilement, tant le pays est sous le choc après la multiplication des témoignages des victimes. Et la deuxième chaîne de télévision publique allemande a bien du mal à se sortir de cette polémique dans le scandale.
Alors que de nombreux médias s'emparaient du sujet dès le week-end dernier, RAS chez la ZDF. Aucun reportage diffusé avant mardi dans les différentes éditions. Un choix éditorial motivé par la nécessité d'enquêter, de retrouver témoins et victimes. Voilà pour la position défendue par la rédaction qui a été saluée par de nombreuses personnes sur les réseaux sociaux. Mais l'emballement médiatique qu'ont suscité les évènements de Cologne met à mal cette posture. La ZDF aurait-elle eu peur d'évoquer des agressions commises - selon les témoignages de victimes - par des personnes originaires de pays arabes ? Le tout dans le contexte déjà tendu de la crise des réfugiés ? Un article au vitriol publié par le journal conservateur Frankfurter Allgemeine Zeitung (FAZ) résume parfaitement les accusations portées à l'encontre de la ZDF.
"Ne savez-vous pas sur quoi vous devez informer ? (...) Vous devriez vous mettre au journalisme". La FAZ accuse ses confrères de prendre les téléspectateurs pour des imbéciles incapables de ne pas verser dans le populisme. Et donc de jeter ainsi le voile sur des faits corroborés par de nombreux témoignages. D'autant que la ZDF n'est pas la seule à être dans le viseur. L'ARD, la première chaîne publique et la chaîne de la région de Cologne, la WDR, ont également raté le train de l'info. De quoi verser de l'eau au moulin à toutes celles et tous ceux qui dénoncent l'arrivée massive de réfugiés: sur les réseaux sociaux, le slogan "Lügenpresse", la presse menteuse, scandé par les manifestants du mouvement populiste et xénophobe Pegida, se retrouve partout.
Devant l'ampleur prise après ces agressions sexuelles, la ZDF et l'ARD ont depuis sorti l'artillerie lourde avec de longues éditions spéciales diffusées hier. Mais pour le syndicat des journalistes allemands, il n'y a aucun doute, les chaînes publiques ont eu raison de prendre du recul : "les journalistes doivent en premier lieu enquêter, et non spéculer".
Par Julien Méchaussie