La décision était attendue, mais elle ne va pas vraiment clarifier les choses... La Cour constitutionnelle allemande de Karlsruhe vient de juger que les enseignantes peuvent porter le voile islamique à l'école, sauf s'il existe un "danger concret" de remise en cause de la neutralité de l'Etat, ou si cela perturbe le bon fonctionnement de l'établissement. Une décision assez vague qui devrait provoquer une vague de recours devant les tribunaux...
Comment en est-on arrivé là ? En fait, la question du voile n'en était pas une en Allemagne jusqu'en 2003. La Cour constitutionnelle donne alors gain de cause à Fereshta Ludin, enseignante dans le Land de Bade-Wurtemberg, qui refusait d'enlever son voile en classe. Les juges avaient estimé que le Land devait s'appuyer sur une loi, inexistante à cette époque, pour appliquer cette interdiction. Le Land a finalement adopté un texte, et d'autres régions se sont inspirées de cette législation. Car en Allemagne, les questions d'enseignement sont du ressort des Länder. Aujourd'hui, certains interdisent le port du voile, comme la Bavière, la Basse-Saxe ou la Hesse, d'autres comme Berlin prohibe tous les signes d'appartenance religieuse, et d'autres, notamment à l'Est, n'ont pas légiféré sur la question. Une situation pour le moins confuse, mais la Cour de Karlsruhe a rappelé un principe: la liberté de croyance est garantie par la Loi fondamentale du pays. C'est la clé de voute, il faut donc un "danger concret" pour limiter cette liberté. Quels sont ces "dangers concrets" ? Une manifestation de parents d'élèves devant l'école contre une enseignante voilée suffira-t-elle ? La jurisprudence devra éclaircir ce point essentiel.
Jusqu'ici en Allemagne le débat sur le voile s'est principalement joué sur ce terrain juridique. Et il concerne beaucoup plus les enseignants que les élèves. Mais la question est devenue plus sensible ces derniers mois, avec un regain de l'islamophobie. Le pays compte environ 4 millions de musulmans, sur 80 millions d'habitants.