Les 23èmes rendez-vous de la bande dessinée d’Amiens changent de lieu, grandiose, invitent Zep, génial, et exposent les planches de la série Bjorn le Morphir, indispensable.
Dans une cathédrale de béton
Aucun évènement culturel ne s’est jamais tenu en ce lieu. Les 2 et 3 juin, la halle Freyssinet d’Amiens va accueillir expositions et festivaliers. Grande nef en béton de 220 mètres de long, elle est l’œuvre de l’ingénieur Eugène Freyssinet en 1926. Elle était avant un dépôt du Service national de messagerie (Sernam). La halle d’Amiens est la sœur de la médiatique Station F dans le 13ème arrondissement de Paris et qui est devenue aujourd’hui le campus de startups de Xavier Niel. Mais celle d’Amiens est restée dans son jus. On y voit les traces de suie sur la charpente, on y sent l’odeur de la graisse pour les machines et les rails sont encore au bout du quai. La scénographie des expositions faite de vagues de bois peints s’intègre très bien dans ce lieu. Une disposition conçue par l’auteur de BD Marc-Antoine Mathieu (Julius Corentin, Dieu en personne,…). Rien que pour son architecture et son aménagement, la visite s’impose.
Du sexe à la lampe frontale
S’adresser à tous les publics. C’est le crédo de l’association On a marché sur la bulle qui organise ce festival. Zep, invité d’honneur, a réalisé l’affiche et incarne bien cette idée. Une exposition lui est consacrée. Zep est un grand dessinateur. Pour le jeune public, il est le créateur de Titeuf. Pour les adultes, et les adultes seulement, il faut aller dans une pièce sans lumière afin de découvrir une autre facette. A l’entrée, on vous équipe d’une lampe frontale. Ce qu’on y voit est tiré de l’album Happy sex. Plus loin, cette fois pour les enfants, une rétrospective du magazine Tchô créé par Zep, il y a 20 ans. Une exposition plus ludique et interactive qu’artistique en l’absence de planches originales. Le dernier album de Zep, The End, est paru en avril chez Rue de Sèvres. Tout comme la série Bjorn le Morphir qui jouxte les travaux de Zep dans la halle Freyssinet.
L’héroic philosophie de Bjorn le Morphir
Le petit Bjorn vit dans les terres enneigées du Fizzland en 1065. Il n’est pas costaud et assez craintif. Bjorn n’a pas les attributs du guerrier viril. Pourtant, un jour, Bjorn va se métamorphoser. Il va découvrir qu’il est un Morphir. Un héros d’une espèce très rare qui voit son caractère et ses aptitudes physiques changer brutalement. Bjorn ne sera plus jamais le petit homme qu’il était. La série est beaucoup plus dense qu’une simple série d’aventure fantastique et médiévale. Sous couvert d’une saga épique, Bjorn aborde des thèmes sociétaux ou philosophiques. Le rapport à la violence, la soumission au pouvoir, la religion ou, évidemment, le passage à l’âge adulte.
Un peu trop rapidement classé dans le rayon héroic fantasy pour adolescent, la série vise plus large. Le scénariste, Thomas Lavachery, parle de livre « possible pour tout le monde ». A l’origine, Bjorn est une série de romans. L’adaptation en bande dessinée, 7 tomes parus, est signée pour le dessin par Thomas Gilbert. L’exposition des planches et dessins originaux met en valeur le trait expressif et fin de l’auteur. Thomas Gilbert est graphiquement dans la génération d’auteurs comme Joann Sfar (La Vallée des merveilles) ou les Kerascoët (Miss Pas Touche). Pas de réalisme ni de gros nez mais un trait libre et simple qui ramène à l’enfance. Ces Rendez-vous de la BD d’Amiens ont fait le bon choix en mettant à l’honneur cette série qui mérite largement plus d'exposition.
Les 23èmes rendez-vous de la BD d'Amiens. Halle Freyssinet, le 2 et 3 juin 2018, de 10h à 19h. 3 euros par jour et par personne. Gratuit pour les moins de 25 ans. Programme complet sur le site du festival.