Quelles sont les meilleures BD sur la Commune de Paris ? J’ai posé la question aux Amies et amis de la Commune de Paris 1871, la plus ancienne association communarde.
Après les festivités du mois de mai quelque peu gâchées par la Covid et les polémiques autour de la célébration ou de la commémoration de la Commune de Paris, il reste les livres, et particulièrement les bandes dessinées sur le sujet. J’ai rendez-vous avec l’association des Amies et amis de la Commune de Paris 1871 pour recueillir leur avis critique et éclairé sur des bandes dessinées qui commémorent le soulèvement des Parisiens.
Une commission littérature à la Butte-aux-Cailles
Le siège de l’association est un petit local perché sur la Butte-aux-Cailles, dans le XIIIe arrondissement de Paris. Là-bas, il y a 150 ans, se sont déroulés les derniers combats. Un écriteau « Commune de Paris 1871 », quelques drapeaux rouges et des BD en vitrine, j’y suis. Des albums sont étalés sur une table. Marie-Claude Willard m’attend. Elle est responsable de la commission littérature au sein de l’association. « Ici nous sommes organisés en commissions, c’est un héritage de la Commune », explique mon interlocutrice.
"Le cadavre est à terre mais l'idée est debout ! ", la devise de des Amies et amis de la Commune de Paris 1871
Les Amies et amis de la Commune a été créée en 1882 par des communards de retour d’exil. Elle a pour vocation de se souvenir et de perpétuer les idéaux de l’insurrection. Elle compte plus de 2000 adhérents. L’association tente de répertorier toutes les publications sur le sujet. Il y a une bibliothèque dont les rayonnages sont remplis d'ouvrages historiques, de romans, de biographies, de brochures, de fascicules, de documents iconographiques et de bandes dessinées. Certains de ses membres comme Jean-Louis Robert, président d’honneur de l’association, ont participé à des bandes dessinées en tant que conseiller historique.
Tardi, Bourgeon et les autres
Concernant la production BD, les ouvrages sur la Commune de Paris ne sont pas si nombreux que ça. Le sujet a inspiré quelques grands auteurs comme Tardi et Vautrin avec Le Cri du peuple. Casterman propose opportunément une nouvelle édition intégrale pour les 150 ans. Il y a aussi François Bourgeon pour Le Sang des cerises. Une histoire dont on attend le prochain opus qui devrait clore la remarquable série des Passagers du vent. Sur ces ouvrages et les autres, je souhaitais avoir l'opinion des Amies et amis de la Commune de Paris. Marie-Claude Willard de la commission littérature nous dresse son palmarès et les premières places ne reviennent pas aux auteurs les plus célèbres.
Le palmarès des albums
Le meilleur : Les Damnés de la Commune
de Raphaël Meyssan, 3 tomes aux éditions Delcourt. Remarquable série qui raconte la Commune à partir de gravures d‘époque, d’ailleurs souvent issues de journaux « versaillais ». Montées, recadrées, assemblées, ces gravures vous plongent littéralement dans la révolte parisienne. Marie-Claude Willard : « L’auteur a réalisé un travail très complet et très original. Sur le plan historique, c’est parfait. Les gravures donnent un côté poétique à l’album qui est un petit bijou. II en a fait aussi un très bon documentaire télé qui est passé sur Arte. L’auteur est passionné, il est venu nous voir souvent. » Autant vous dire que je partage cet avis. Un travail de dix ans, le documentaire est toujours visible sur Arte, indispensable comme la série BD.
Le plus féministe : Des graines sous la neige, Nathalie Lemel
de Roland Michon (scénario) et Laetitia Rouxel (dessin). Editions Locus Solus.
M.C. Willard : « Ce portrait de Nathalie Lemel m’a particulièrement touché. Cette communarde extraordinaire, une Bretonne, est moins connue que Louise Michel. Elle en a fait pourtant beaucoup plus. Elle a créé l'Union des femmes pour la défense de Paris et les soins aux blessés. C’est vrai qu’elle n’a jamais rien écrit et ne s’est jamais mise en avant, alors la faire sortir de l’ombre est une belle idée et j’aime beaucoup le dessin de Laetitia Rouxel. »
Le plus excité : Communardes
de Lupano au scénario et Fourquemin, Jean et Mazel au dessin. Trois tomes. Editions Vent d’Ouest.
M.C. Willard : « Je suis moins enthousiaste pour ces trois volumes. Wilfrid Lupano est un passionné de la Commune mais je trouve que l’image de la communarde n’est pas juste. Elles sont présentées comme des harpies, des excitées. On leur colle une étiquette de pétroleuses, ce qu’elles n’étaient pas du tout. C’est dommage.»
Le plus complet : Le Cri du peuple
de Tardi et Vautrin. Editions Casterman.
M.C. Willard : « C’est toute l’histoire de la commune. La BD est très complète, exhaustive. Peut-être trop. Je trouve qu’il y a aussi beaucoup de texte. Le récit en pâtit. L’album est de qualité mais il n’est pas celui que je préfère. »
Le mieux dessiné : Le Sang des cerises
de François Bourgeon. Editions Delcourt.
M.C. Willard : « Le dessin de François Bourgeon est extraordinaire. De tous, il est celui qui maîtrise le plus son trait. L’histoire se situe surtout après la Commune. On attend avec impatience le prochain tome qui devrait être plus centré sur les 72 jours de la révolte. Nous serions très heureux si l’auteur acceptait de venir dédicacer l’album ici à la Butte-aux-Cailles. »
Le plus polar : Rouges Estampes
de Robert, Trésor pour le scénario et Gobbi pour les dessins. Editions Steinkis.
M.C. Willard : « L’album est une intrigue policière avec en toile de fond la Commune de Paris. Il y a des aller-retours entre la fiction et les faits historiques qui sont toujours documentés, précis et exacts. Jean-Louis Robert, notre président d'honneur, a collaboré à cette bande dessinée comme conseiller historique. Personnellement, je trouve que l’histoire policière n’ajoute rien. Et je ne suis pas conquise par le dessin. »
Pour les plus jeunes :
Emile et Léonie, une aventure sous la Commune
de Jean Noël Manthe. Editions Le Temps des Cerises.
M.C. Willard : « Cette bande dessinée s’adresse aux enfants. Elle leur parle de la Commune à leur niveau, avec leurs yeux. Les héros sont des enfants, leur histoire est liée à celle de la révolte. Ils voient leur parents dans ce tumulte et vivent le siège de Paris où énormément d’enfants sont morts. Cet album a beaucoup de succès.»