L'Ambulance 13 : 14 -18 vécue par ceux qui ont porté les soins

Il a fait la guerre armé d’un bistouri. Louis-Charles Bouteloup est le chirurgien héros de L'Ambulance 13. Une bande dessinée qui relate avec justesse le quotidien des médecins, infirmiers ou brancardiers sous les bombes et la mitraille.

 

Paradoxe absurde de la guerre. Se côtoient dans la boue des tranchées, ceux qui tuent et ceux qui pansent. Sur les premiers, vous trouverez pléthore d’albums, plus ou moins bons, sortis à l’occasion du centenaire de la Première Guerre mondiale. Les auteurs de L'Ambulance 13, Cothias et Ordas au scénario, Mounier au dessin, ont eux choisi de porter leurs plumes et crayons dans les plaies des poilus. Moins convenu mais tout aussi effroyable est le récit du conflit vécu par, ce que l’administration militaire appelle, le service de santé des armées.

L'ambulance 13 couv 4

 

Nous sommes en 1915. Louis-Charles Bouteloup est un jeune médecin, aux bonnes manières, tout frais moulu de la faculté. Il est affecté sur le front avec une ambulance tirée par des chevaux et une escouade de brancardiers et infirmiers peu convertis à la discipline militaire. En cinq albums (la série n’est pas terminée), le chirurgien va être confronté aux shrapnels qui meurtrissent, aux éclats qui défigurent et aux blessures qui se gangrènent.

L'Ambulance 13 est une fiction. Sans être un compte-rendu de l’Académie des sciences, la BD se veut précise sur le thème. Je suis donc allé interroger le conseiller militaire de la série, le capitaine Xavier Tabbagh, conservateur du Musée du service de santé des armées au Val-de-Grâce à Paris.

Capitaine Xavier Tabbagh, conservateur du Musée du service de santé des armées au Val-de-Grâce. (Paris, 11/2014, photo @ Francis Forget).

Capitaine Xavier Tabbagh, conservateur du Musée du service de santé des armées au Val-de-Grâce. (Paris, 11/2014, photo @ Francis Forget).

Quel a été votre rôle dans cette bande dessinée ? 

Au service de santé, nous faisons une relecture. Nous n’intervenons pas sur le récit mais nous veillons à la cohérence de la représentation. Dès le début, nous avons constaté que les auteurs s’étaient bien documentés. Mais nous corrigeons les éventuelles erreurs sur les uniformes, les grades, le matériel, les opérations ou la doctrine de la prise en charge des blessés.

Quels impacts a eu le conflit sur la pratique de la médecine ?

On a redécouvert la médecine et la chirurgie pendant la Grande Guerre. Nous sommes passés de la médecine du 19ème à celle du 20ème siècle. Au début, la doctrine voulait que l’on soigne les blessés, à l’arrière, loin du front. Ce dispositif s’est rapidement avéré peu efficace. Le service de santé a dû se réorganiser pour évacuer et traiter les blessés au plus près des combats. Il y avait une remise en question permanente. Des progrès considérables ont été réalisés en chirurgie maxillo-faciale, les gueules cassées, ou en traitement des fractures. 35 % des fractures finissait en amputation au début du conflit et 5 % à la fin. Et on le sait peut-être moins, en psychiatrie de guerre aussi, discipline inexistante avant. La prise en charge du stress post-traumatique ou des névroses s’est considérablement développée.

Quel était l’état d’esprit de ces médecins qui ont vu s’accumuler les blessés et les morts ?

Probablement parfois un sentiment d’impuissance. Les blessures étaient tellement graves que même dans un hôpital installé, les poilus avaient peu de chances de survivre. Alors proche du front, quand ça éclate pas loin, c’était encore plus compliqué. Cette situation, ce stress sont bien montrés dans la BD. Mais il y avait un grand professionnalisme, un côté technicien chez ce personnel. Le médecin est là pour soigner et bien, il soignait malgré les problèmes d’intendance et le nombre de blessés.

 

L'exposition Une armée qui soigne au Val-de grâce à Paris. Photo @ Francis Forget.

L'exposition Une armée qui soigne au Val-de grâce à Paris. Photo @ Francis Forget.

 

En prolongement de la lecture de L’Ambulance 13, je vous conseille l’exposition qui a lieu en ce moment et pour un an, sur la médecine pendant la Grande Guerre. Elle a lieu dans le discret Musée du service de santé des armées à Paris au Val-de-Grâce. Le site, l’ancienne abbaye bénédictine et son cloître du XVII siècle, est magnifique. Des planches de L'Ambulance 13 y sont même présentées. Informations et tarifs sur le site www.ecole-valdegrace.sante.defense.gouv.fr .

 

L' AMBULANCE 13 Couv

L'Ambulance 13. 5 tomes parus. Ordas, Cothias et Mounier / Editions Bamboo. 14 €.