Il est arrivé cette année deuxième, derrière Katsuhiro Otomo, dans l’attribution du Grand Prix d’Angoulême. Pourtant Hermann mérite une toute première place sur le podium des Grands. Une exposition à Versailles lui rend hommage.
Il s’en est fallu de peu lors du vote pour le Grand Prix à Angoulême cette année. Otomo a remporté 38% des suffrages contre 34% pour Hermann et 28% pour Alan Moore. Envolée la médaille. Sur la vingtaine de prix qui jalonnent ses 50 ans de carrière, aucune récompense majeure. Un manque de reconnaissance qui n’émeut plus cet auteur au franc-parler et au caractère tranché : « Moi, j’en ai rien à foutre » a-t-il confié au site Actuabd avant de connaître le résultat du vote d’Angoulême. Hermann avait même fait savoir quelques jours avant sur son site officiel qu’il refuserait le Grand Prix. Il s’était toutefois ravisé suivant les conseils d’amis bienveillants.
Hermann Huppen est né en 1938 en Belgique. Il vit maintenant à Bruxelles mais est originaire des Fagnes. Un coin des Ardennes, coincé entre Liège et la frontière allemande, en partie annexé par le Troisième Reich sous le joug des bottes nazies. Hermann est publié pour le première fois en 1965 dans Spirou. Ses débuts en album se font avec le scénariste Greg. Il réalise avec lui Bernard Prince, Jugurtha puis Comanche qui débute en 1972. Mais dans les années 70, un cowboy chevauche allègrement, survole même, les cases du 9e art : Blueberry. Monument de la BD qui fera de l’ombre à Comanche. Il est vrai que le style et le positionnement font penser à la saga dessinée par Jean Giraud. L’âpreté d’un Far West violent parcouru par des personnages typés et à la moralité discutable. De superbes paysages tranchés par le soleil ou nimbés de poussière. La puissance du trait du dessinateur belge éclate cependant déjà dans Comanche.
Faut-il regarder la trogne des personnages pour connaître le caractère de celui qui les dessine ? Peut-être chez Hermann. Les visages, souvent massifs, sont marqués, abîmés. Les regards emprunts de craintes ou de violences. Il en ressort une certaine noirceur et une once de misanthropie. Qui transparaissent dans les deux fantastiques séries qu'il a réalisé ensuite en solo : la saga post-atomique de Jeremiah et le Moyen-Age rugueux des Tours de Bois-Maury.
Des planches originales de ses séries sont exposées encore jusqu’à la fin de la semaine à l‘Hôtel de Ville de Versailles. Certaines effectuées à la demande du cinéaste Roman Polanski pour qui Hermann avait effectué le story-board du film Pirates. Hermann recyclera ce travail dans Le diable des sept mers. Un beau diptyque, paru dans la collection Aire libre de Dupuis. Au scénario, son fils Yves H, avec qui il a maintenant coutume de travailler. L’exposition est là pour convaincre les plus sceptiques que Hermann mérite les honneurs manqués. Que son style puissant, ses cadrages et son découpage sont à lui. Sans pardon n’est pas le sentiment post-Angoulême d’un Hermann sans titre de noblesse, mais son dernier album. Il ramène le dessinateur sur les terres du Wyoming, à la fin du 19e siècle, tout comme Comanche. Hermann est un Grand, regardez-le.
Exposition Hermann à Versailles : jusqu'au 22 février, de 12h00 à 18h00 à l'Hôtel de Ville, 4 avenue de Paris. Entrée libre.
Sans Pardon, Yves H et Hermann / Editions du Lombard. 15 euros.