Du microscope électronique à la BD, comment le coronavirus est dessiné par les scientifiques et les auteurs

Le regard de Zac Deloupy sur le coronavirus.

Une muse minuscule et ravageuse, le coronavirus intrigue les chercheurs et inspire les auteurs de bande dessinée.

Après l’annonce du décès d’Albert Uderzo, le mercredi 25 mars, le journal Libération en fait sa une. En lieu et place d’un menhir, Obélix porte un énorme coronavirus rouge sur le dos. Un dessin du génial Blutch, l’auteur du récent Mais où est Kiki ?, reprise savoureuse des aventures de Tif et Tondu. Astérix est perplexe devant cette boule rouge aux allures de mine sous-marine. Il a raison le petit Gaulois moustachu de s’interroger sur ce virus qui, selon ses représentations circulant dans la presse et sur internet, n’a pas la même forme ni la même couleur.

Dessin de Blutch en une de Libération (25 mars 2020) après le décès d'Albert Uderzo.

Le coronavirus en voit de toutes les couleurs

Blutch est un artiste, il donne à son virus l’apparence qu’il souhaite. Mais quid des images « scientifiques » qui inondent nos mirettes en ces temps de pandémie ? Rouge sang, le coronavirus semble menaçant. Moins anxiogène, il passe au vert quand les propos se veulent plus rassurants. En googelisant, je l’ai vu aussi bleu nuit, jaune citron ou violacé. Quant à sa forme, elle est souvent sphérique, parfois patatoïde avec des protubérances comme des ventouses ou de mini-choux fleurs. Mais quel aspect a donc réellement ce virus ?

Images colorisées prises au microscope électronique du coronavirus sur le compte Flickr du NAID (National Institute of Allergy and Infectious disease) / Flickr-Wikimedia commons.

Des électrons pour le découvrir

« Le coronavirus a une taille de 60 à 90 nanomètre de diamètre. On est à l’échelle du millionième de millimètre. Il est trop petit pour être vu avec un microscope optique. Seul un microscope électronique permet de l’observer », m’explique Anne Goffard, chercheuse au Centre d'infection et d'immunité de Lille. Les microscopes électroniques fonctionnent avec un faisceau d’électrons et pas avec de la lumière. Et sans lumière, pas de couleurs. Vous me suivez ? « On distingue à sa surface une couronne qui l’entoure d’où son nom de coronavirus mais il n’y a aucune couleur. Les images sont en noir et blanc avec des niveaux de gris et seulement en 2D », poursuit l’enseignante et chercheuse. La colorisation vient ensuite. Aidés de logiciels, scientifiques et graphistes mettent leurs pattes. Outre l’esthétique, le but est de faciliter par différence chromatique l’interprétation des images obtenues. Le choix des couleurs est arbitraire. Donc les beaux schémas en 3D aux couleurs rutilantes ne sont que constructions humaines dessinées, certes proches de la réalité mais absolument pas des photographies de virus.

Portraits de virus au quotidien

A l’instar de Blutch, ces images sortant des labos ont impressionné la rétine des dessinateurs de presse et des auteurs de BD. Le SARS-CoV2 (c’est le véritable nom du coronavirus responsable de la maladie Covid-19) s’est trouvé dessiné et redessiné. Jusqu’à l’obsession parfois. « Un être minuscule et invisible s’est retrouvé au centre de tout, présent partout. Impossible d’y échapper, tout autour de nous y faisait référence », constate Zac Deloupy, dessinateur de la série Une aventure de la librairie l’Introuvable aux éditions Jarjille. L’auteur a dressé sur les réseaux sociaux vingt-six portraits saisissants du virus dans notre quotidien. Tous les dessins originaux mis en vente par l’auteur sont déjà réservés. Un travail exutoire et spontané qui va trouver un prolongement sous la forme d’un recueil à paraitre.

Un des 26 dessins de Zac Deloupy où le virus est toujours présent, rouge et menaçant.

Déjà dans Pif Gadget en 1979

Ce n’est pas la première fois qu’un virus imprègne le monde des bulles. Jean-Luc Muller est réalisateur émérite de documentaires autour de Pif gadget. Il a déniché une stupéfiante aventure de Docteur Justice publiée en janvier 1979 dans le magazine. Etonnant récit de Jean Ollivier au scénario dessiné par Marcello que l’on peut qualifier aujourd’hui de prémonitoire. L’agent infectieux ressemble à notre coronavirus, il vient de l’Est, de Hong-Kong peut-être. Il paralyse l’Europe «  De Moscou à Londres et de Hambourg à Naples ». On y découvre une opinion publique qui s’alarme et « d’éminents professeurs » qui tiennent des conférences de presse à la télévision. Le bienveillant Docteur Justice expert en arts martiaux sera lui aussi une victime. Est-ce que je divulgâche la BD si je vous dis qu’il finit par guérir et vaincre le virus ?

Docteur Justice en lutte contre un virus dans les pages de Pif Gadget en 1979.