Plus de 200 originaux pour célébrer le trait explosif de Jack Kirby. Une puissance graphique au service des super-héros et des « nouveaux dieux » à découvrir jusqu’à la fin du mois d’août au musée Thomas-Henry à Cherbourg.
Il est le créateur au dessin de la plupart des super-héros qui remplissent les salles de cinéma depuis une petite vingtaine d’années. A la volée, citons Captain America, Les Quatre Fantastiques, Hulk, Thor, les X-Men ou Black Panther. Le scénariste Stan Lee affubla Kirby du titre de « Roi des Comics ». Un royal sobriquet qui restera et qu’il prendra avec distance tant sa relation avec les éditeurs fut compliquée, voire douloureuse.
Fatigué du métier, enchaîné à sa planche
Dans la biographie documentée Jack Kirby King of Comics de Mark Evanier aux éditions Urban Comics, il est relaté que « Jack est un roi dont l’ascension le conduit de Captain America Comics en 1941 à Captain America trente-cinq ans plus tard, pour à peu près le même tarif. Il est fatigué du métier, d’être enchainé à sa planche… ». A cela s’ajoutent des batailles pour recouvrer les droits de propriété sur ses œuvres. Il finit par se brouiller avec le même Stan Lee pour la reconnaissance des copaternités sur les créations des super-héros et super-vilains.
La vie sans Marvel
Des problèmes qui vont l’amener à s’éloigner de Marvel. Un temps seulement, il y retournera, mais un temps qui a compté pour lui et l’histoire de la bande dessinée. C’est précisément l’atout de cette exposition au musée Thomas-Henry à Cherbourg. Bien-entendu, les organisateurs n’ont pas fait l’impasse sur les planches de super-héros mais le plus passionnant est à découvrir en dehors des périodes Marvel.
Des bluettes aux cosmogonies hallucinées
On découvre ses débuts avec des strips pour la presse ou sa participation à des « Love stories », BD qui sentent bon la romance. Le trait s’affirme et le talent va se décanter. Mais cela constitue l’archéologie de Kirby. Son style sera flamboyant dans ce qui est l’œuvre grandiose et maudite du "King of Comics", Le Quatrième Monde. La saga met en scène de nouveaux dieux dans une cosmogonie aux traits hallucinés et aux scénarios multiples et imbriqués. L’auteur passe chez DC Comics dans les années 70, il y est plus libre que chez Marvel. Il n’a plus de scénariste pour le canaliser dans ses envolées narratives qu’il peut traduire librement en images.
Le Quatrième Monde, succès post-mortem
Kirby avait initialement pensé le récit en quelques milliers de pages. Mais l’aventure fera un flop à sa sortie. L’auteur en sera profondément affecté. Le Quatrième Monde va cesser de paraître. L’œuvre magistrale fera cependant son chemin. Elle va impressionner plusieurs générations de lecteurs et de futurs auteurs. Après le décès en 1994 de Jacob Kurtzberg, véritable identité de Kirby, DC réédite Le Quatrième Monde. Sa veuve apprend les bons chiffres des ventes de la nouvelle édition. Elle pleure. Soulagée, elle se confie : « ça y est, c’est un succès » en ajoutant « Enfin, Jack l’avait toujours dit ». Une belle salle du musée est toute consacrée au Quatrième Monde. Cet hommage, est-ce-que Jack l’avait aussi imaginé ? Lui qui fut soldat et mit le pied sur la plage d'Omaha en Normandie, pas loin de Cherbourg, lors du débarquement en août 1944.
Jack Kirby, la galaxie des supers-héros. Musée Thomas-Henry à Cherbourg-en-Cotentin. Jusqu'au 1er septembre 2019.
Le Quatrième monde. Jack Kirby / Urban Comics. Quatre tomes parus. 35 euros.
Jack Kirby, King of Comics. Mark Evanier / Urban Comics. 29 euros.