Dans un somptueux art-book, L'Hiver en été, Jean-Pierre Gibrat donne une image lumineuse de la femme à travers les illustrations qu’il réalise de ses héroïnes.
"Dessiner bien les filles, ça ne veut rien dire"
Non, Jean-Pierre Gibrat n’aime pas qu’on le qualifie ainsi. « Il dessine bien les filles, ça ne veut rien dire », s’explique l’auteur dans L’Hiver en été, un recueil d’illustrations édité chez Daniel Maghen. Il répond à Rebecca Menzoni, amie de longue date du dessinateur. Subtilement, la journaliste l’a poussé au fil des pages, en regard de ses illustrations et de ses planches, à la confidence. « En fait, je crois que ce qui plaisait, c’est que j’essayais de dessiner l’effet qu’elles me faisaient, plus que ce qu’elles étaient réellement. Je dessinais le genre de filles qui me touchait, me troublait », ajoute-t-il en se remémorant ses débuts dans la BD avec l’écrivain Jackie Berroyer comme scénariste.
Les femmes dans toute leur puissance
« Bien dessiner les filles », c’est peut-être cela. Le talent de faire passer ses émotions par la pointe de son crayon. Tracer une courbe pour en extraire non pas le beau mais l’émoi. Jean-Pierre Gibrat sait le faire à la perfection. « Je veux dessiner les femmes dans toute leur puissance, exprimer l'incroyable force qu’elles dégagent. Ça n’a effectivement rien à voir avec l’esthétique, même si, c’est un aveu de faiblesse, j’ai très souvent recours à la beauté pour exprimer ce sentiment », me confie l’auteur, assis devant l'assiette d’une brasserie parisienne, terminant son déjeuner. L’auteur du Sursis est en journée presse. Il enchaîne les interviews. Après, il ira chez Europe 1.
Les prix de ses oeuvres s'envolent aux enchères
Jean-Pierre Gibrat est un auteur dont la notoriété va en grandissant. Le succès des ventes de ses planches et plus encore de ses grandes illustrations en témoignent. Elles s’envolent à plusieurs dizaines de milliers d’euros lors des ventes aux enchères. En 2016, Christie’s, dans ses grandes ventes parisiennes, lui consacre tout un pan de ses enchères et un catalogue rien que pour lui. « Ça m’échappe totalement. Il y a des gens qui n’ont pas de côte aux enchères et qui sont absolument merveilleux. Une planche d’un de mes albums du Vol du Corbeau qui atteint le prix d’un très beau Giraud, c’est très très bien mais ça ne les vaut pas », avoue le dessinateur.
Mattéo, l'indispensable série de Gibrat
Le succès est aussi à chercher du côté de ses récents albums. Sa série Mattéo, où il réalise texte et dessin, est une merveille. Quatre tomes déjà publiés aux éditions Futuropolis. C’est d’ailleurs quand il fait les deux, le scénario et les illustrations, que l’auteur est le meilleur. « Je mets mon trait au service de l’histoire et non pas l’inverse. Ecrire est ce qui me satisfait le plus. Sur un dessin, j'ai toujours des regrets et particulièrement en bande dessinée. Alors que je peux adhérer à 100% à ce que j’ai écrit et avoir l’impression que je ne pourrai pas mieux l’écrire », me raconte Gibrat en terminant son café.
Et d’ajouter avant de me quitter : « Vous savez, je n’ai pas le talent d’un Giraud. Je n’ai pas marqué l’histoire de la bande dessinée comme Tardi ou Pratt. Je suis dans la ligne des classiques, je ne suis qu’un suiveur ». Et dans son sillage, les lecteurs ravis qu’un auteur puisse les emmener avec autant de maîtrise dans ses histoires comme dans ses illustrations.
L’Hiver en été. Jean-Pierre Gibrat. Editions Daniel Maghen. 39 euros.
Mattéo. 4 tomes parus. Jean-Pierre Gibrat. Editions Futuropolis. 17 euros.