L’adaptation au cinéma des Vieux Fourneaux est fidèle à une BD qui, en quatre ans et en quatre tomes, a déjà largement rencontré son public ou comment la vie de septuagénaires à la campagne peut devenir un succès.
Le film sort en salle aujourd’hui. Au casting, des pointures. Pierre Richard, Roland Giraud et Eddy Mitchell mettent les costumes des trois personnages principaux, Pierrot, Antoine et Mimile, de la série éponyme créée par Wilfrid Lupano au scénario et Paul Cauuet au dessin. Henry Guybet tient aussi très bien le rôle de Garan-Servier, vieil industriel gâteux que le trio grisonnant va retrouver. L’histoire reprend avec précision le récit du premier tome publié en 2014 aux éditions Dargaud. Pour ne pas sortir des rails, Wilfrid Lupano a signé avec le réalisateur Christophe Duthuron le scénario du film et les dialogues.
Comédie joyeuse et irrévérencieuse
Les Vieux Fourneaux en cases comme à l’écran est une comédie joyeuse et irrévérencieuse. Syndicaliste bougon à la retraite, vieil anar encore actif ou ex-aventurier des mers lointaines, les septuagénaires selon Lupano et Cauuet n’ont pas encore les pieds dans la tombe. Avec Pierrot, Antoine et Mimile, nous ne sombrons pas dans le récit dépressif d’une fin de vie en EHPAD. Ils ont de l’entrain, ils sont un peu foutraques mais ils sont bien vivants. Ils ont aussi un passé, pas toujours glorieux, auquel ils vont devoir faire face.
C’est avec les vieux pots qu’on fait les meilleures soupes
Les trois aînés râleurs et libertaires avant d’être portés au grand écran ont conquis les lecteurs avec plus d’un million d’exemplaires vendus. La BD compte déjà quatre tomes au catalogue pour la série principale, plus deux tomes pour la série dérivée, Le Loup en slip, réalisée par l’illustratrice Mayana Itoïz, l’épouse de Wilfrid Lupano. Appréciée par le public comme par les critiques, la série a été plusieurs fois récompensée avec, entre autres, le Prix des libraires de bande dessinée en 2014 et celui du public au festival d’Angoulême en 2015. Le cinquième tome, Bons pour l’asile, dont on peut découvrir la couverture sur le site de la série paraîtra en novembre.
Raconter avec légèreté les choses graves de la vie
Dans ce succès, il y a bien sûr le talent du dessinateur Paul Cauuet. Son trait drôle et excessif donne aux trognes les expressions de circonstance. Il dépeint bien cette France périphérique, celle des campagnes délaissées où ne subsistent précisément que ces vieux, ceux qui n’ont pas encore quitté le pays. Mais dans cette réussite, il y aussi l’empreinte de Wilfrid Lupano. Derrière la comédie joyeuse, il y a une peinture plus sombre. Eddy Mitchell dans une interview au Parisien compare Les Vieux Fourneaux au cinéma italien des années 60-70 d’Ettore Scola ou Mario Monicelli qui « parle avec légèreté, voire dérision, des choses graves de la vie ».
Le souffle de la révolte
Le scénariste n’est pas qu’un conteur d’histoire. Il fait partie de ces créateurs qui hument l’air du temps et s’en empreignent. Le succès à 91 ans de Stéphane Hessel pour Indignez-vous! a été un déclencheur. Observateur attentif de notre société dans ses plis et révélateur dans ses tensions, Wilfrid Lupano est, à sa manière, un auteur politique. C’est certainement par là qu’il faut comprendre la réussite de cette série. Un Zeitgeist, un esprit du temps et de l’époque comme le disent les philosophes allemands. Le temps d’une société vieillissante qui a laissé derrière elle, aux générations précédentes, le souffle de la révolte.
Les Vieux Fourneaux, 4 tomes, Lupano & Cauuet / Editions Dargaud.12 €
Le Loup en slip, 2 tomes, Lupano, Cauuet & Itoïz / Editions Dargaud. 10 €