Probablement la meilleure bande dessinée sur Mai 68. Une docu-fiction qui raconte, avec précision et sans assommer, les évènements dont on célèbre le demi-siècle cette année.
Il y a Françoise, prof d’arts plastiques, elle appartenait à la jeunesse communiste révolutionnaire. Michel, retraité, il était ouvrier à Sud-Aviation. Samia, productrice, était maoïste. Charles était haut fonctionnaire, membre du cabinet de Georges Pompidou. Ils sont, parmi d'autres, les personnages qui témoignent dans Mai 68, histoire d’un printemps. Des anonymes, des femmes et des hommes de fiction, qui racontent ce qu’ils ont vécu et ressenti. Dans l’album, ils croisent les vrais, ceux qui ont existé. De Daniel Cohn-Bendit au préfet de police Maurice Grimaud. De Jean-Luc Godard à Françoise Sagan. Du Général De Gaulle au cégétiste Georges Séguy.
Au cœur des évènements
Arnaud Bureau au scénario et Alexandre Franc au dessin ont avec justesse utilisé cet entrelac de témoignages plausibles pour raconter le réel. Une très bonne idée. Passant de l’anecdote aux faits, elle amène le lecteur au cœur des évènements tout en l’éloignant du récit rasoir et sans sombrer dans le romanesque. Les auteurs ont voulu rester précis sur l’histoire de cette révolte. La chronologie et la localisation des évènements sont rigoureusement respectées. Pour les rendre intelligibles, les lieux sont détaillés sous forme de plans. Les slogans sont repris et les affiches, les icônes sont exposées.
Un dessin à la Scott McCloud
Le dessin d ‘Alexandre Franc fait penser à celui de l’américain Scott McCloud, auteur de L’Art invisible et Réinventer la bande dessinée. Un trait simple qui, chez McCloud comme chez Franc, sert la clarté du propos. Tout comme le choix des couleurs qui se limitent principalement au bleu, blanc, rouge et noir. L’ouvrage est didactique sous sa forme graphique comme dans son scénario. La BD a été éditée une première fois en 2008. Elle vient de connaître une nouvelle édition chez un autre éditeur, Les ronds dans l’O, pour les 50 ans de Mai 68.
De Mai 68 à Guantánamo
Plus récemment, cette année aux éditions Dargaud, Alexandre Franc a signé au dessin Guantánamo Kid avec Jérôme Tubiana au scénario. L’incroyable et véritable récit de Mohammed El-Gorani, un adolescent de 14 ans qui se retrouve incarcéré à tort à Guantánamo. Un album choc où l’arbitraire et l’absurde ruinent violemment le destin d’un gamin. Le dessin d’Alexandre Franc dans un autre style sert là aussi le réel, si noir soit-il. Avec au bout du trait l’Histoire qui, quand on a du talent, s’accommode décidément très bien de la bande dessinée.
Soirée-débat le 24 mai
Les auteurs seront jeudi 24 mai à 19H30 à la librairie Tropiques à Paris dans le 14ème. Une soirée-débat avec Nicole Linhart, cofondatrice de la Gauche prolétarienne. Détail amusant, Nicole Linhart dans la BD se fait rabrouer par son mari avec pour commentaire de Samia qui assiste à la scène : « Pour moi, les Maos, ça a aussi été l’école du machisme… ».
Mai 68, histoire d’un printemps. Arnaud Bureau & Alexandre Franc / Des ronds dans l’O. 18 euros.
Guantánamo kid. Jérôme Tubiana & Alexandre Franc / Dargaud. 20 euros.