Dans son dernier album, Alix, bien que né Gaulois, part avec César à la conquête d’un pays celte, l’île de Britannia. Une épopée où des chefs gaulois insoumis seront emprisonnés et tués. Traîtrise, collusion avec l’ennemi ? Le point de vue du scénariste Mathieu Bréda.
Que penser d’un jeune homme qui devient conseiller du chef militaire ayant envahi son pays ? En prenant pour référence une période sombre de notre histoire, Alix serait un collabo. Dans Britannia de Marc Jailloux (dessin et scénario) et Mathieu Bréda (scénario), Jules César utilise sans ménagement des chefs gaulois qu’il détient prisonniers pour conquérir la Grande-Bretagne.
Le héros un peu lisse créé par Jacques Martin prendrait-il le visage du traître, du salaud dans Britannia ?
En poussant assez loin et en adoptant le point de vue des chefs gaulois prisonniers, Alix est un traitre. D’ailleurs ces chefs se demandent dans Britannia ce que fait un Celte avec les Romains. Mais Alix n’est pas un collabo car sa culture, son histoire fait de lui un Romain à part entière. Il est né Gaulois et a été adopté très jeune par un riche Romain. Sa position est très claire, il est devenu 100% romain. Et puis l’idée de nation n’existait pas à l’époque. On parle de guerre des Gaules et non de la Gaule. Des Gaulois ont d’ailleurs combattu auprès des Romains dans cette guerre.
Vous semblez quand même donner une lecture plus contrastée, plus ambiguë de l’univers d’Alix ?
Nous avons adopté une vision plus moderne de l’Histoire. Nous voulions quitter le côté manichéen d’une Rome civilisatrice, la vision d’une Antiquité dorée avec de gentils Romains. Le héros se pose des questions et fait face à des situations peut-être plus nuancées. Des civilisations ont été anéanties et beaucoup de gens sont morts pendant cette période.
Plus sombre est aussi le personnage de Jules César, dépeint comme un chef cupide et manipulateur…
La Guerre des Gaules a pour objectif de remplir les coffres de Jules César. Il a besoin de richesse pour assoir son pouvoir à Rome. Une avidité qui va même le pousser à commettre des erreurs. D’ailleurs Alix, qui s’est laissé convaincre et embarquer dans cette conquête, le perçoit bien. Nous avons un peu forcé le trait mais nous voulions montrer que cette guerre était pécuniaire avec des personnages ayant leurs propres motivations.
Comme pour souligner la position délicate du héros, les éditions Casterman ont fait suivre la sortie du nouvel album d’Alix d’un spin-off historique, Alix raconte, sur la bataille d’Alésia. Alix n’apparaît pas dans le récit. Sans pitié aucune, il est contraint par son éditeur à prêter son nom pour retracer la cuisante défaite de Vercingétorix face à Jules César en 52 avant Jésus-Christ. Avec Pascal Davoz au scénario et Willow au dessin. Editeurs et auteurs semblent s’entendre pour jouer de l’ambiguïté gallo-romaine du personnage.
Alix, Britannia, tome 33. Jailloux, Bréda & Martin / Editions Casterman. 11 €.
Alix raconte Alésia. Willow, Davoz & Martin / Editions Casterman. 13 €.