Jean-Claude Fournier, l’auteur de Spirou après Franquin, est une vraie légende bretonne. Il est à l’origine du festival Quai des bulles qui débute aujourd’hui à Saint-Malo. Rencontre avec la statue, sympa et généreuse, du Commandeur joueur de biniou, qui vient dans la Cité corsaire avec un nouvel album.
« Jean-Claude Fournier est l’homme qui a inventé la bande dessinée moderne en Bretagne », rien de moins. Qui a dit ça ? Nicoby et Joub, deux auteurs bretons qui ont réalisé une savoureuse biographie dessinée de Fournier en 2013 aux éditions Dupuis. Dans l’atelier de Fournier est un indispensable ouvrage pour découvrir ce bon et grand monsieur du 9ème art qui joue du biniou. Jean-Claude Fournier a eu en héritage Spirou et Fantasio juste après que Franquin ait jeté le crayon. Il va l’enrichir avec audace. Il insuffle dans les récits des sujets de société, des enjeux politiques. L’un de ses meilleurs albums de Spirou, devenu culte, est L’Ankou. Il y est question d’une centrale nucléaire dans une région loin d’être acquise aux projets atomiques. L’Ankou étant un émissaire de la mort dans la mythologie bretonne.
Avec Fournier, nous nous sommes donnés rendez-vous dans un café à deux pas de la maison de la Radio à Paris quelques jours avant le festival. La veille, il a déjà fait l’aller-retour en train depuis sa Bretagne. Il s’était trompé de jour. Aujourd’hui, c’est la bonne date. Il est assis sur une banquette. Un peu maladroitement, presque comme un enfant. Une bonhommie naturelle se dégage de sa silhouette. Comme dans la BD de Nicoby et Joub, l’homme porte une barbe. Une physionomie en rondeur qui laisse échapper un sourire. Posée sur la table, une trousse dont on devine qu’elle contient ses outils… Des crayons.
Les lecteurs pourront vous voir cette année à Quai des bulles ?
Jean-Claude Fournier : J’ai eu quelques soucis de santé cette année. Je n’ai pas pu m’impliquer dans l’organisation comme je le souhaitais et je l’avais fait les années précédentes. Mais je vais mieux maintenant et je suis très content de me rendre au festival. Les lecteurs pourront me rencontrer, je dédicacerai mes albums.
Pourquoi ce festival est important pour vous ?
Jean-Claude Fournier : Quai des bulles, c’est mon bébé. Je l’ai repris en 1992. A l’origine, il faisait partie d’une manifestation qui n’était pas exclusivement consacrée à la bande dessinée. La BD n’était pas assez mise en valeur, nous étions cantonnés sous des tentes alors que les autres auteurs étaient bien au chaud à l’intérieur. Nous avons divorcé pour faire un vrai festival pour les auteurs et par les auteurs. Parce-que c’est aussi un point auquel je tiens. Je voulais que la manifestation soit organisée majoritairement par des auteurs.
Ce lien avec les auteurs, vous y tenez. Et pas seulement à travers le festival puisque vous avez accueilli un certain nombre d’entre eux ?
Jean-Claude Fournier : Franquin m’a reçu dans son atelier. Il m’a transmis son métier. Une heure avec lui, ça valait bien une année dans une école. Il m’a fait don d’une petite flamme que j’ai tenté ensuite de partager dans mon atelier avec de jeunes auteurs bretons. Ils sont nombreux à être venus comme Emmanuel Lepage ou le regretté Michel Plessix. Ma femme disait que c'était plus une auberge qu’un atelier.
Vous venez cette année avec une belle réédition de luxe aux éditions Black & White d’un de vos albums de Spirou Du glucose pour Noémie. Et une nouveauté aussi ?
Jean-Claude Fournier : Oui une nouveauté, Plus près de toi. C'est un album qui se situe pendant la deuxième guerre mondiale. Le personnage principal, Addi, est un jeune Français sénégalais qui se destinait à être prêtre. Mais la guerre va bouleverser son destin. Il va se retrouver projeter en terre bretonne, prisonnier près de Guingamp. Kris a fait le scénario et je l’ai dessiné. C’est un récit de guerre et une histoire d’amour aussi. Il sort dans la même collection Aire libre que ma précédente BD, Les Chevaux du vent avec Lax au scénario. La série était en deux tomes comme ce qui est prévu pour Plus près de toi.
Et dans ce premier tome, la cohabitation entre soldats allemands, prisonniers et Bretons ne semble étonnamment pas si mal se passer ?
Jean-Claude Fournier : Oui mais ça va changer dans le deuxième tome. Les gardes allemands en Bretagne étaient souvent issus des campagnes autrichiennes. Ils n’étaient pas les plus féroces. Le récit commence toutefois à basculer à la fin de la première partie puisqu’un prisonnier se fait descendre après avoir tué le chien de garde. Les évènements vont se compliquer par la suite. Kris a fini le scénario mais je n’en suis qu’à la troisième planche dessinée. Il va falloir attendre un peu pour connaître la fin.
Festival Quai des bulles à Saint-Malo. Du 27 au 29 octobre 2017. Programme et tarifs sur le site du festival.
Dans l’atelier de Fournier. Nicoby & Joub / Editions Dupuis. 24 €.
Plus près de toi, T1. Kris & Fournier / Editions Dupuis. 14, 50 €.
Les Chevaux du vent, 2 tomes avec une Intégrale. Lax & Fournier / Editions Dupuis. 28 € l’intégrale.