Rencontre avec Cosey élevé au rang de Grand Prix de la ville d'Angoulême. Un Helvète au sommet ému par la récompense décernée par les auteurs de BD.
Ils se succèdent mais ne se ressemblent pas. Après le bouillonnant Belge Hermann, c'est Cosey, de son vrai nom Bernard Cosendai, qui a reçu la récompense suprême du festival. Depuis qu'il est arrivé à Angoulême pour la remise de son prix, Cosey a enchaîné les rendez-vous. Avec toujours la même sérénité. Le Grand Prix de la ville d'Angoulême est pour lui " sa plus belle récompense". Le Vaudois de 66 ans, discret et élégant, porte bien sa veste en laine brune rehaussée de bleu sur le col et les poignets. Il enlève délicatement ses lunettes et les range avant d'engager la conversation. Il a bien voulu répondre à mes questions avant de repartir pour sa Suisse natale et sa table à dessin.
Comment avez-vous appris que vous aviez le Grand Prix ?
Cosey : Je n'avais pas prévu de venir cette année au festival. Mais puisque j'étais dans la sélection des trois finalistes avec Manu Larcenet et Chris Ware, mon attachée de presse m'a recommandé d'envisager la possibilité d'aller à Angoulême. Et puis j'ai reçu son coup de fil. J'étais persuadé qu'elle allait m'annoncer que c'était Manu Larcenet. Ça a été une vraie surprise.
Une surprise ? Pourtant votre nom circulait souvent depuis quelques années...
Avec Chris Ware et Larcenet, je ne pensais avoir aucune chance. Mais c'est vrai que depuis 3 ou 4 ans, mon nom revenait souvent. Et j'avoue qu'une fois ou deux, j'ai vraiment été déçu de ne pas l'avoir.
Vous dites être très fier d'avoir reçu ce prix. Pourtant vous êtes un auteur accompli, le succès vous le connaissez déjà auprès du public...
Le succès auprès des lecteurs fait bien évidemment plaisir. Et il vous permet de vivre et payer vos factures. Mais on peut penser aussi que le public se trompe, qu'il ne voit pas vos faiblesses. Le fait que ce soit des auteurs qui ont voté pour moi, je trouve ça très touchant. Je ne pensais pas qu'une majorité d'entre eux puisse retenir mon nom. Je leur suis très reconnaissant. Je suis super content.
Qu'est ce que ça va changer pour vous ?
Je ne sais pas, il faut peut-être que je demande à Hermann pour savoir. Le festival m'a déjà contacté pour l'exposition qui sera présentée l'année prochaine. Je leur ai demandé un peu de temps. Doucement, ne précipitons pas les choses.
L'absence de femmes dans la sélection a créé une polémique l'année dernière. Cette fois-ci encore avec Manu Larcenet, Chris Ware et vous, que des hommes, pas d'auteure. C'est un problème pour vous ?
C'est malheureux qu'il n'y ait pas plus de femmes. Je pense que ça va évoluer mais ça va prendre un peu de temps. Pour moi, il y a une femme idéale, c'est Marjane Satrapi*. Peut-être n'a-t-elle pas fait assez d'albums pour être choisie ? Mais d'autres femmes auteures arrivent. Un peu de patience et ça changera, vous verrez !
Vous êtes aussi présent cette année à Angoulême à travers une exposition intitulée " Les nouveaux visages de Mickey Mouse". Avec des planches de votre dernier album qui est un hommage au personnage de Mickey...
C'est un vieux rêve que je viens de réaliser. Je suis allé en 1978 à Los Angeles aux studios Disney pour présenter mes travaux. J'ai été pris mais je me suis rendu compte que c'était du travail à la chaîne alors j'ai renoncé. Quand les éditions Glénat m'ont proposé de faire mon album de Mickey, j'ai été très enthousiaste. Ça a été long, il a fallu trois ans de discussions et d'échanges avec Disney mais le résultat est là.
Et votre série Jonathan ?
Je pense que c'est fini. La boucle est bouclée. Je ne ferai certainement plus d'autre album de Jonathan.
Quel sera alors votre prochain album ?
Je travaille actuellement sur un album intégralement en noir et blanc, sans même de gris ou de petites hachures. Ça se passe au XXe siècle avec des personnages un peu âgés, qui ont plus de 60 ans. Une histoire d'êtres humains et de sentiments.
* auteure iranienne de Persepolis et récompensée trois fois au Festival d'Angoulême