Le scénariste de BD et exégète de Tintin, Benoît Peeters, a perdu toute sa bibliothèque dans un incendie. Il en a fait une série de photos sidérantes sur les fantômes de ses livres et dessins originaux tous calcinés.
Les images sont impressionnantes. L’immeuble est situé rue de Bérite dans le 6ème arrondissement de Paris. Vendredi 1er avril à 12H12, une forte explosion d’origine accidentelle a littéralement soufflé les murs et la toiture du bâtiment. Le bilan de l’accident fait état de 16 blessés légers et un grave, un pompier intervenant sur les lieux. A la vue des dégâts, les conséquences auraient pu être beaucoup plus dramatiques. Le résumé des faits et les images sont accessibles, par ce lien, sur notre site FranceTV Info. Et dans le journal de 13H de France 2, le témoignage d'un auteur de BD, très concerné par l'explosion.
Dans la vidéo, il est présenté d’une manière un peu lapidaire comme « cet écrivain ». Mais c’est bien lui, Benoît Peeters, écrivain, biographe mais aussi spécialiste hors pair de Tintin et scénariste d’un monument de la BD, Les Cités Obscures avec, comme complice au dessin, François Schuiten. Il habitait au 3ème étage, côté cour. Par chance, l’auteur n’était pas là au moment critique.
L’immeuble est resté inaccessible plusieurs semaines. Fin avril, Benoît Peeters a pu accéder à ce qui fut son appartement. « Je ne me faisais aucune illusion. Je me doutais que je ne retrouverai rien et je n’ai pas été déçu. Toute ma bibliothèque d’ouvrages annotés, de livres sur Hergé, de papiers glissés, de souvenirs, de choses tout bonnement irremplaçables ont été anéantis», raconte Benoît Peeters. Les murs aussi étaient tapissés de ces souvenirs partis en fumée. Des originaux de maître de la bande dessinée comme François Schuiten, Jiro Taniguchi, Chris Ware ou Edmond Baudoin. Et même un dessin d’Hergé, le portrait de sa première femme Germaine. Détruits, le cauchemar de tout collectionneur.
Benoît Peeters a pris une série de clichés. Et les a publiés sur sa page Facebook. Les commentaires ont été nombreux, très nombreux. Le spectacle est étonnant, fait de papiers consumés, de livres broyés, entremêlés de gravats et projetés à même le sol. « Je ne m'attendais pas à être à ce point fasciné par les ruines de ma bibliothèque. J’éprouve un sentiment ambigu, comme si je devais tester mes capacités au détachement. Je ne suis pas plaintif. Je me porte bien. Ce que j’avais, je ne le retrouverai pas mais je vais aller de l’avant, je n’ai pas le regret des cendres », concède le scénariste.
L'auteur n’a donc pas le goût de l’élégie. Il n’a pas tout perdu puisqu’il avait exceptionnellement par chance ce jour-là son ordinateur avec lui. Il a pu sauvegarder des flammes les deux livres sur lesquels il travaille en ce moment : un ouvrage sur la révolution des images à la fin du XIXe siècle et une biographie du psychanalyste et ami de Freud, Sandor Ferenczi. Quant à sa prochaine bande dessinée, Benoît Peeters l’imagine autrement. « Je vais modifier la fin de l’histoire du deuxième tome de Revoir Paris que je fais en ce moment avec François Schuiten. Je vais intégrer la destruction de cet immeuble dans les dernières pages », ajoute-t-il. En auteur, Benoît Peeters va transformer son réel en fiction. Les cendres ont aussi un pouvoir de fertilité.
Photos © Benoît Peeters / avril 2016