L’auteur de bande dessinée est décédé jeudi d’un arrêt cardiaque chez lui, à Verviers, en Belgique. Ce prodigieux dessinateur du monde animalier s’en est allé rejoindre le fantastique petit peuple des forêts à l’âge de 80 ans.
C’était un dimanche matin à Crespières, il y a 8 ans. Il avait dans ce village pris ses habitudes et ce lieu lui correspondait bien. Aux confins de la région parisienne, la verdoyante Crespières est encore préservée de l’appétit sans fin de l’ogre parisien. II y venait régulièrement pour le festival BD qu’organise courageusement cette commune rurale. Cette fois-ci, René Hausman y exposait ses dessins, ses planches et dédicaçait en toute humilité ses albums. C’était la première fois que je rencontrais ce singulier dessinateur à l’univers féérique foisonnant.
Je venais avec un album du Camp-volant, exceptionnelle BD qui pioche un peu dans toutes les marottes, les inspirations et les sentiments de l’auteur disparu. L’imaginaire des campagnes, sa campagne, celle des forêts ardennaises qui bordent Verviers en Belgique où le dessinateur a vu le jour en 1936. Le Camp-volant est le récit de croyances populaires où le fantastique surgit au détour d’un chemin, derrière un bosquet, à proximité d’une marre. Celles des lutins, des sorcières et de tout ce petit peuple aux visages froissés, aux traits marqués.
La nature est omniprésente. La végétation est dense, magique, peinte en couleur directe, ton sur ton, faite de camaïeux bruns ou verts. Les arbres sont abondamment ramifiés, les branches biscornues. La nature selon René Hausman est belle jusqu’à en devenir effrayante. Comme dans les contes pour enfants, ceux de Perrault ou du Roman de Renart, que le dessinateur a superbement illustrés dans des collections de prestige aux éditions Dupuis. Une nature qui l’a fait devenir au fil des albums un maître du dessin animalier. Son tout dernier album, sorti le mois dernier, illustre ce don de la nature. Une reprise de Chlorophylle, série créée par Raymond Macherot en 1954 dans le journal de Tintin, reconnue par de nombreux auteurs franco-belges comme un monument de la BD animalière.
Dans Chlorophylle, le monstre des Trois sources, signé au scénario par Jean-Luc Cornette, René Hausman réinterprète à sa façon, avec son trait et ses dessins à l’aquarelle, l’univers de Macherot. Une parfaite démonstration graphique de son talent. Les rongeurs, les hérissons, le castor, les oiseaux ou les libellules… Le bestiaire de René Hausman est aussi magique que fabuleux. Fait-glissade d’une vie de dessins, le dernier album de l’auteur est un digne hommage à Raymond Macherot. Celui-là même qui accompagna en 1953 pour ses premiers pas dans le monde de la BD le tout jeune René Hausman alors âgé de 18 ans.
Dans la salle de la Maison des associations de Crespières, avec mon exemplaire du Camp-volant à dédicacer, je m’avançais vers celui que je découvrais assis derrière une table, la stature imposante, le visage orné d’une opulente barbe blanche et vêtu d’une chemise blanche sous un gilet brun en velours côtelé. Je me suis dit qu’il allait me raconter une de ces histoires qui peuple son imaginaire tant il me donnait l’impression d’incarner ce conteur ardennais. Mais la discussion est allée vers nos familles et les gens qui nous sont chers. Car il y a cela aussi dans Le Camp-volant comme il y avait cela chez René Hausman. Un grand sens de l’humain et une bienveillance généreuse pour autrui.