Avant d'arriver à être le premier Président de gauche de la Cinquième République, François Mitterrand est parti de loin, de la droite catholique et vichyste pour devenir résistant. Un passé recomposé dans une bande dessinée subtile et élégante.
François Mitterrand ne l'a jamais publiquement assumé. Depuis sa disparition se tisse, d'articles de presse en biographies ou récits, la trame d'une jeunesse passée sous silence. Avec une habile distance, la BD de Philippe Richelle et Frédéric Rébéna participe à la reconstruction du parcours insaisissable d'un homme qui le fût tout autant. Il fallait probablement un auteur étranger, Philippe Richelle est belge, pour poser ce regard. Factuel d’abord. Mitterrand a fricoté dans ses années étudiantes avec les Croix-de-feu. Sera un temps pétainiste et fonctionnaire dans une administration collaborationniste et antisémite. Puis viendra le glissement fin 1942 vers la résistance et la clandestinité. Morland, c’est son nom de résistant, rencontrera Charles de Gaulle à Alger et créera un réseau.
Philippe Richelle, scénariste de Mitterrand un jeune homme de droite (photo © Francis Forget)
Comment expliquer ce parcours ? Mitterrand avait-il des convictions ? Ou était-il un opportuniste doté d’un sens politique affiné ? Les auteurs entrelacent dans leur récit la grande Histoire avec les petites. Celles des amitiés familiales et personnelles. Pour certaines engluées à droite, bien à droite. Celles aussi des relations amoureuses où Mitterrand, jeune homme de 22 ans, tombe éperdument amoureux d’une lycéenne de 15 ans. Etonnant personnage dont le dessinateur Frédéric Rébéna n’a pas, consciemment ou non, figer le visage. Les traits sont là pour le reconnaître mais la composition change.
Alors qui est-il ? Le scénariste Philippe Richelle avoue avoir de la sympathie pour le « héros ». Selon l'auteur, Mitterrand est un pragmatique, pas un idéologue. Avec un fond sincèrement humaniste qui lui viendrait notamment de sa souche familiale et catholique. Mais vous n’êtes pas obligé d’y adhérer. La finesse de cette biographie documentée est d’avoir trouvé la juste distance qui laisse au lecteur le choix de son interprétation. L’homme est clairement ambitieux avec une certaine fatuité. Il peut déplaire comme séduire. Le récit s’achève en septembre 1945. La France est libérée mais Mitterrand a toujours les deux pieds à droite. Son histoire ne fait que commencer. La suite est attendue, les auteurs nous l’ont promis.
Mitterrand un jeune homme de droite, de Philippe Richelle et Frédéric Rébéna, Editions Rue de Sèvres. 18 €.
