Eric Corbeyran l’a imaginé dans New Byzance, une BD de science-fiction où le pouvoir religieux tente d’imposer par la technologie le contrôle des pensées. Une série publiée en 2008 qui entre en résonance avec la montée du fondamentalisme et l'expansion de Daech.
Bien avant Soumission de Michel Houellebecq, le prolifique scénariste de bande dessinée Eric Corbeyran avait tiré les fils de l’anticipation. Ceux d’un récit qui place notre société occidentale sous le joug d’un pouvoir islamique. New Byzance est toutefois dans un registre plus science-fiction que ne l’est le roman de politique-fiction de Michel Houellebecq. Une lecture en 2015 de cette série en trois tomes ne peut, maintenant, laisser indifférent.
New Byzance a été conçu après le 11 septembre 2001. « C’est une uchronie. J’ai réécrit l’Histoire au moment où elle semblait s’arrêter, après les attentats du 11 septembre. Une partie de la planète bascule dans le califat, les places fortes du monde sont occupées par un pouvoir islamique. New York devient New Byzance » explique l’auteur. La ville aux défuntes tours jumelles se métisse dans un style architectural qui emprunte à l’Orient. Au passage, le dessinateur Eric Chabbert réalise un sans-faute sur la série. L’auteur est incontestablement inspiré dans ses représentations urbaines. Les axes de cadrage mettent en valeur l’aspect monumental et oppressant de New Byzance.
Eric-Corbeyran- Photo (c)-Olivier-Roller-2012-01
Le pouvoir totalitaire du califat ne s’impose pas seulement par son architecture. Il y a le contrôle des « pensées déviantes ». Une technologie qui agit sur le cerveau des sujets pour corriger tous germes d’une contestation ou d’un doute. L'autorité est incarnée par un leader charismatique porteur de « l’idéologie fondamentaliste ». Quant aux femmes ? Elles sont asservies et « elles sont voilées avec une sorte de masque hygiénique, ça c’était pour donner une connotation SF » ajoute Eric Corbeyran.
Extrait du tirage de tête de l'intégrale New Byzance (BD Empher / Glénat).
Derrière le récit d’anticipation, il y a le regard politique de l’auteur. Eric Corbeyran s’inscrit, par filiation, dans le synopsis d’un maître du récit politique d’anticipation en bande dessinée, Pierre Christin (Partie de chasse, Valérian). « Je ne fais pas de géopolitique, je ne suis spécialiste en rien et je n’ai rien à déclamer, confie le scénariste. Je suis juste un raconteur d’histoires et un observateur un peu de côté. Je n’invente pas beaucoup. La vie, la politique me donnent la matière première qui passe à la moulinette de mon imaginaire. Et si ça tombe juste c’est peut-être à cause d’une forme de simplicité dans ma vision des choses. Une lucidité qui n’est pas brouillée par des analyses et permet parfois de dégager des évidences ».
Uchronies New Byzance. 3 tomes. Corbeyran & Chabbert / Editions Glénat. 14 € chaque tome.
New Byzance. Intégrale en tirage de tête. Version noir et blanc des albums. Editions BD Empher. 200 €
