Qui donc se cache derrière le créateur des Dingodossiers, de Gai-Luron et de la Rubrique-à-brac? En marge de l’exposition Les mondes de Gotlib au Musée d’art et d’histoire du Judaïsme à Paris, j’ai posé la question à trois personnalités : le réalisateur Patrice Leconte, le chanteur Richard Gotainer et… Gotlib!
L’exposition Les mondes de Gotlib lève en partie le voile sur cet auteur iconoclaste. En déroulant méthodiquement le fil chronologique de sa vie, on découvre d’abord le petit garçon, fils d’un émigré juif hongrois déporté et tué à Buchenwald. Une enfance cachée et gâchée pendant la guerre, la libération, son service militaire, son mariage et ses premiers travaux comme illustrateur pour la jeunesse en 1958. Puis sa première BD, Nanar et Jujube, en 1962 pour le journal Vaillant. Il a alors suffisamment d’élan et de talent pour la suite de sa carrière dans Pilote, l’Echo des savanes et Fluide glacial. Par son irrévérence et son humour, il va émanciper la BD d’alors. Exit Nanar et Jujube, place à Hamster Jovial et Pervers Pépère.
Le parcours ne fait cependant pas l’homme. Ni même le rapport à sa judéité. Gotlib est un artiste complexe et pas facile à cerner. Il y a bien cette autobiographie, J’existe, je me suis rencontré, rééditée par les éditions Dargaud mais le dessinateur est pudique. Il se cache derrière le rire. Alors modestement, j’ai posé mes deux petites questions à ceux qui l’ont côtoyé. Le cinéaste Patrice Leconte qui a débuté comme auteur de BD et qui est entré à Pilote grâce à Gotlib. Le chanteur Gotainer avec lequel Gotlib a fait un album, Vive la Gaule. Et enfin Gotlib en personne qui, bien qu’il ait définitivement cessé de dessiner depuis 1988, répond toujours aux questions…enfin un peu…je vous disais qu’il est pudique.
Qui est Gotlib pour vous ?
Patrice Leconte : Il a un côté Groucho Marx, qui fait semblant d’être sérieux mais, en un mot hâtif, il est un déconneur. C’est d’autant plus étonnant qu’il porte en lui de la noirceur. Il a au fond de l’oeil quelque chose qui s’apparente à une forme de douleur. Je m’en suis rendu compte dans Les vécés étaient fermés de l’intérieur, mon premier long métrage que j’ai d’ailleurs fait avec lui. Il était tout le temps accablé, migraineux. Gotlib n’est pas joyeux et léger.
Richard Gotainer : Il m’a ouvert les portes vers le délire et l’irrévérence. Je suis un enfant de Gotlib, je revendique cette filiation. Il est un pilier de ma culture avec un grand C, il est plus important que Victor Hugo ou Stendhal. Il m’a beaucoup influencé dans mes chansons. Halleluya, par exemple, est directement inspiré de l’esprit Gotlib.
Marcel Gotlib : Un type qui a à peu près réussi dans le travail qu’il s’est choisi : la bande dessinée.
Quel oeuvre ou personnage préférez-vous ?
PL : Ce qu’il a fait de mieux, c’est la Rubrique-à-brac. C’est étourdissant de talent. J’aime bien la coccinelle aussi, elle est là tout le temps en contrepoint de l’auteur.
RG : La Rubrique-à-brac et les Dingodossiers forment le coeur de son oeuvre. J’adore aussi sa période Echo des savanes. C’est là que tout se trouve, la démence et le délire. Il s’est lâché sur le sexe mais ce n’est pas cochon, c’est juste rigolo. Gotlib était toujours au bord mais jamais dedans.
MG : La Rubrique-à-brac et Gai Luron ex-aequo.
Exposition Les mondes de Gotlib. Musée d’art et d’histoire du Judaïsme à Paris. Jusqu’au 27 juillet. Catalogue de l’exposition aux éditions Dargaud. 35 euros.
J’existe, je me suis rencontré. Autobiographie aux Editons Dargaud. 20 euros.