C'est un peu Candide au pays de Samsung. Dessinateur et urbain, Min-ho Choi décide de se lancer, sans connaissance aucune, dans la culture potagère. Moi, jardinier citadin est un manhwa, une BD coréenne toute fraiche, éveillée et joliment illustrée.
Une nouvelle vie s’offre à lui. Min-ho Choi se marie, il quitte la capitale, change de boulot. Il s’installe à Uijeongbu, petite ville juste au nord de Séoul. Là-bas lui prend l’envie de cultiver un lopin de terre, un jardin au pied d’une barre d’immeubles. En France, on parlerait de jardin ouvrier, en Corée, j’ignore si cela porte un nom. Quoiqu’il en soit, Min-ho Choi va alors partager sa vie entre potager, dessins et paternité. Car il n’y a pas que le jardin qui sera fécond, le ventre de sa chère lui donnera un petit garçon.
Moi, jardinier citadin est un récit autobiographique. L’auteur s’est réellement prêté au jeu du labour et du hasard. Quand il prend possession de sa terre qu’il loue 150 000 Won à l’année (100 euros), Min-ho Choi est un vrai néophyte. Et s’improviser jardinier est une gageure. Ses voisins de parcelle le regardent débuter avec bienveillance et malice. Le potager est une affaire de partage de récoltes et de conseils. Le manhwaga va glaner de ses voisins et de ses premières tentatives (plus ou moins heureuses) un savoir qui lui permettront de savourer quand même ses premiers légumes.
C'est ce cheminement vers le vivant que nous raconte l’auteur. Avec humour et autodérision. Il sème ça et là dans les deux tomes qui constituent son récit, des pages descriptives et conseils pratiques sur les légumes qu’il cultive, à la manière des ouvrages naturalistes. Son dessin fin et proche du travail à l’aquarelle est de toute beauté. Nature et légumes y sont magnifiques. Min-ho Choi n’avance cependant pas masqué tel le concombre de Mandryka. Il milite clairement pour une culture écologique tout comme son éditeur français Akata. La démarche est engagée comme l’attestent pré et postfaces.
Il vous vient alors peut-être cette question: une BD sur un potager bio en Corée, n’est-ce pas un peu pointu et destiné au seul lectorat bobo en quête d’exotisme? Et bien non. Moi, jardinier citadin est une BD intelligente, pas culpabilisante ni déprimée. Une aventure humaine et humaniste. On peut l’aimer sans être jardinier (je ne le suis pas), on peut la lire sans adhérer à tout ce qu’elle sous-tend. Sur le fond, elle soulève des problèmes actuels qui nous concernent tous, comme le brevetage et la privatisation du vivant. «Il faut cultiver notre jardin». Ce sont les derniers mots du Candide de Voltaire. Ils conviennent parfaitement au manhwa de Min-ho Choi.