Blast : l'onde de choc de Manu Larcenet

Critiques et public s’accordent pour qualifier Blast de chef d’œuvre du 9ème art. La série de Manu Larcenet, dont l’ultime et quatrième tome vient de paraître, trace l’itinéraire distordu d’un troublant personnage de fiction, Polza Mancini. 

Un moment, il vous dégoûtera. Tout comme il dégoûte les deux policiers qui cherchent à recoller les morceaux de son parcours chaotique et violent. Polza Mancini est passé du statut de critique gastronomique à celui de SDF aux antécédents psychiatriques et présumé coupable du meurtre d’une jeune femme. Il est moche avec son indécente surcharge pondérale (150 kg) et sa face de lune qu'un grand nez déchire. Ses gestes sont épais, son hygiène douteuse.

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Polza Mancini va se mettre à table, il va livrer SON récit aux deux flics. Avec une forme de cohérence et de logique sociale. Polza est trop gros. Son corps d'animal fait obstacle dans sa relation aux autres qui ne l’aiment pas autant qu’il ne s’aime pas. Le décès de son père après celui de son frère vont couper les seuls liens familiaux qu'il n’ait jamais réellement possédé. Polza Mancini va choisir l’exil social. Il laisse tout, ou plutôt rien, derrière lui. Il part en transhumance, cruelle et miséreuse. Il côtoie marginaux, vagabonds, illégaux et fous. Il est devenu tout ça Mancini. Malade et désespéré. Surtout avec ce «blast» qu’il ressent parfois. Une sorte de puissante décharge neuronale qui lui procure, par flash, plaisirs et visions multicolores.

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Et du dégoût, vous passerez peut-être à la commisération, voire l’identification. Pendant plus de 700 pages, nous sommes aux côtés de Polza Mancini qui nous lâche sa confession. Une proximité propice à l’empathie. Et c’est là tout le génie de Larcenet que de faire apparaître dans ce qui nous dégoûte une part de ce que nous sommes. Polza Mancini est peut-être un monstre, il est aussi un homme. Avec ses blessures, ses peurs, sa solitude et ses émotions.  A la fin du dernier volume, épilogue ou dénouement, les deux policiers livrent leur version des faits. Un autre visage de Polza Mancini se dessine. Un portrait qui ne s’oppose pas mais s’ajoute aux révélations du colosse. Manipulateur, victime, bête aux abois ou dément aux pulsions meurtrières? A vous de vous faire votre opinion. L’effet blast est garanti.

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