C’est une première. Walthéry a dessiné Natacha nue dans le prochain album, L’Epervier bleu, qui paraîtra fin mai. L’hôtesse de l’air a déjà émoustillé des générations de jeunes lecteurs, on risque maintenant des crises massives d’apoplexie.
Mon voisin de bureau à la rédaction m’ a confié tout récemment, que petit, il lisait fébrilement les albums de Natacha. Son coeur fragile de pré-ado chavirait à chacune des pages tournées. Tant et si bien qu’il sortait de ses aventures toujours remué et légèrement honteux. Il faut avouer que le personnage imaginé au milieu des années soixante par Whaltéry pour le journal de Spirou avait un placement unique et tout-à-fait original dans la palette des personnages de BD de l’époque. C’était une héroïne et non plus un héros. Et comme pour appuyer cette différence, Whaltéry a libéré son trait pour donner à l’hôtesse de l’air des contours au genre bien affirmé. Natacha a des allures de pin-up.
La série est destinée toutefois à un public familial. Alors même si Natacha n’est pas vraiment adepte des robes longues et des cols montants, elle a su garder dans ses albums du tissu là où la morale l’imposait. Dans ses albums. Car il y a déjà eu quelques fantaisies dessinées de la main même de Walthéry où la jeune femme apparaît plus libérée. Des ex-libris, des dédicaces et même un auto-pastiche au titre signifiant: Faites votre album de BD pour adultes vous-même. Une version bis pour les grands de la dixième aventure de Natacha, L’île d’outre-monde. Whaltéry, sous un nom d’emprunt The Flying Dutchman, y proposait des vignettes à coller sur les cases de l’album d’origine et des planches supplémentaires à intercaler.
Mais quelle pensée scabreuse a poussé Walthéry, agé de 68 ans, à maintenant dévêtir Natacha dans un album? Lui qui a commencé comme assistant de Peyo en dessinant des Schtroumpfs. La clé est dans une interview donnée au journal même de Spirou (n°3961/ 12 mars 2014). «C’est une réponse à un pari qu’on m’avait fait en me disant : Tu n’oseras jamais dessiné Natacha nue dans un album! J’avais répondu: Pourquoi pas? Il y a toujours moyen mais il faut trouver la bonne manière…ici, je me le suis permis parce-que je trouvais la situation non seulement amusante mais utile pour le récit: il fallait trouver un motif pour que Natacha s’engouffre dans la chambre de Walter» avoue l’auteur. Et c’est donc ça, une histoire de bonne manière. D’ailleurs Walthéry a malicieusement joué des ombres pour rhabiller la belle dans les cases où celle-ci apparaît dans le plus simple appareil. Ouf, la morale est sauve, Natacha peut garder tout son public.
L'Epervier bleu © Whalthéry & Sirius / Editions Dupuis
