Le 4 novembre 2018, Damien Seguin, 39 ans, a pris le départ de sa troisième Route du Rhum dimanche 4 novembre, à Saint-Malo sur son monocoque.
Damien Seguin est euphorique, porté par la foule amassée sur les pontons du port breton et par son enthousiasme naturel. "Je ne suis pas plus inquiet que ça ! Mon bateau s’impatientait de larguer les amarres du port de Saint-Malo. Depuis mes 10 ans, je rêve de participer à cette mythique course au large en solitaire". Malgré une main gauche en moins (une malformation qui remonte à sa naissance), Damien Seguin n’a cessé de gravir les échelons du sport à la voile avec en ligne de mire les grandes courses au large... et la Route du Rhum en particulier.
Ses premiers souvenirs de la Route du Rhum ? Ils remontent à l’enfance. Installé à la Guadeloupe avec ses parents entre ses 10 et 20 ans, Damien Seguin se souvient de nombreuses arrivées de la transat à Point-à Pitre. "Je me rappelle comme si c'était hier de la victoire en 1990 de la petite fiancée de l'Atlantique (Florence Arthaud ndlr)", souligne le skipper de 39 ans qui cite également les figures d’autres navigateurs en solitaire qui l’ont profondément marqués : Mike Birch, Laurent Bourgnon, Philippe Poupon...
Quadruple champion du monde
Dès 2004 au Jeux paralympiques d’Athènes, Damien Seguin décroche l’or en voile sur 2.4mR. A bord de ce quillard de 4,20 mètres, il multiplie les médailles. Il se hisse deuxième aux JO de Pékin en 2008, puis touche une nouvelle fois l’or aux jeux paralympiques d'Athènes en 2016. "En 2012 aux JO de Londres, j’étais capitaine de l'équipe de France de voile paralympique et porte-drapeau de la délégation. Un moment inoubliable", lâche-t-il. Toujours sur 2.4mR, il aligne les titres de champion du monde, en 2005, 2007, 2012 et 2015.
En parallèle, il se lance dans la course au large en Class 40. Sur ce monocoque de 12 mètres, il se lance dans une première transatlantique en 2009. Ce sera la Solitaire du Chocolat qui relie Saint-Nazaire à Progreso au Mexique. Il arrive quatrième. En 2010, lors de sa première Route du Rhum, il arrive dixième sur 45 concurrents en lice sur Class 40. Dans la même catégorie, l’année suivante, il passe la ligne d’arrivée de la Transat Jacques Fabre en deuxième position avec son coéquipier Yoann Richomme. Lors de sa deuxième Route du Rhum en 2014, il se hisse huitième contre une cinquantaine de Class 40 engagés.
Jean Le Cam comme conseiller
Jamais deux sans trois. Damien Seguin s’est donc lancé dans sa troisième Route du Rhum. La célèbre transatlantique en solitaire qui se tient tous les quatre ans fête son 40e anniversaire cette année. Pour la première fois, Damien Seguin concoure sur Imoca, la catégorie reine des monocoques de la mythique course au large. Ces voiliers, longs de 60 pieds (soit un plus de 18 mètres) sont considérés parmi les monocoques les plus rapides du monde.
Pour la première fois, Damien Seguin a la chance d’avoir au sein de son équipe à terre un manager technique de choix : Jean Le Cam, arrivé deuxième à la Route du Rhum sur Imoca en 2006. Le skipper l’a aidé à acquérir son bateau et à l’optimiser. Fort de ses quatre participations au Vendée Globe, le marin chevronné le conseillera sur les choix de navigation et pourra lui distiller ses recommandations en cours de course en cas de problème. "Mais j’ai toute confiance en Damien. Certes, vingt Imoca sont en lice cette année", admet Jean Le Cam. "Damien fera partie des meilleurs à l’arrivée, j’en suis sûr. Cette Route du Rhum le préparera au Vendée Globe de 2020."
Puis, Jean Le Cam confie : "mes derniers conseils avant le départ n’ont pas été longs parce qu’on se comprend sans faire de longs discours. Je lui ai donné quelques indications sur la route à choisir au départ à Saint-Malo en tenant compte des mauvaises situations météorologiques. Comme chaque année début novembre, le temps est difficile, mais Damien a toutes les cartes en mains pour s’en sortir."
Un Imoca adapté
L’Imoca de Damien Seguin (Groupe APICIL) a été doté d’un aménagement spécifique lié à son handicap. Pour manœuvrer simultanément les manivelles de ses deux winchs, l’un à l’avant et l’autre l’arrière du bateau, le navigateur est équipé de prothèses plastiques en polyéthylène qu’il glisse comme des gants sur son moignon (voir photo ci-contre). Elles ont été créées au printemps dernier par Mathieu Rietman, orthoprothésiste au centre de Kerpape. Situé à Ploemeur près de Lorient, cet établissement de soins se spécialise dans la rééducation et la réadaptation physique.
"Il me fallait quelque chose qui puisse me faire utiliser la force de mon bras gauche pour manœuvrer les winchs. C’est la première fois que j’adapte un bateau spécifiquement à mon handicap. Jusqu’à présent, c’est toujours moi qui m’adaptais", explique Damien Seguin. Et Mathieu Rietman d’ajouter : "Ce dispositif lui permet de faire travailler l’autre bras pour démultiplier la traction exercée sur les cordages et ainsi mieux maîtriser sa navigation". Damien Seguin précise : "Ce nouveau système a bien sûr nécessité un travail de musculation pour préparer mon bras gauche à ce nouvel effort."
En 2010, Damien Seguin était le premier handicapé à participer à la Route du Rhum. Cette année, il a fait des émules. Un skipper unijambiste a également pris le départ : Fabrice Payen (sur son Vent Debout). Premier appareillé avec une jambe en carbone sur la Route du Rhum et un moral d’acier.
"Je suis content de mon départ et de mon premier bord"
Sur les 3510 miles qui séparent Saint-Malo de Pointe-à-Pitre, les premiers supporters de Damien sont son fils de 12 ans, Etann, sa fille de 8 ans, Marjane, sans oublier sa femme, Tifenn, qui fait d’ailleurs partie de son équipe technique. Damien a le droit de communiquer avec sa famille pendant la course, ce qu’il fera par téléphone satellite et par e-mail. Ils lui ont confié des photos, des dessins. "Ils sont ainsi un peu du voyage avec moi", lâche-t-il.
A l’issue de sa première journée de course, Damien Seguin est plutôt confiant. "Je suis content de mon départ et de mon premier bord", indique le skipper qui n’en reste pas moins réaliste sur les difficultés à affronter. "Il faudra avancer assez vite car l’arrivée de la dépression mardi s’annonce assez violente que ce soit en vent ou en hauteur de vagues. Ensuite à mi-course, nous allons tous serrer les fesses, c’est certain. Il va falloir faire le tri entre les principales routes possibles." Car dans la Route du Rhum comme dans toute course au large, la réussite repose largement sur les choix tactiques de navigation.
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