Une gastronomie est-elle possible… sur le trottoir, en France ?

C’est la question que se posait le week-end dernier le Salon Savoirs & Saveurs de Roanne. La Street-Food, la restauration de rue pour faire davantage béret basque, est très tendance. Pourtant, elle ne date pas d’hier. Aux Etats-Unis, en Asie, en Afrique, à tout heure et depuis toujours, il est possible de faire un vrai festin de rue. En France, nous sommes plus timides, certes, on connaît à Marseille les camions pizza, depuis 1962 grâce à Jean Meritan qui le premier eu l’idée géniale de mettre un four à bois à l’intérieur de sa camionnette, dans le Nord on se régale d’une fricadelle au comptoir des baraques à frites et en Bretagne pas de vrai marché du dimanche sans une galette saucisse.
Mais tout ça est bien éloigné de ce que l’avenir nous propose : les lignes bougent au rayon de la restauration rapide. L’an dernier, elle représentait 54 % du total d’affaires réalisées par le secteur de la restauration, un résultat en croissance de 4%. La street-food, qui entre dans ce vaste paysage de la restauration rapide, ne connaît pas la crise.
Aussi, la créativité se débride sur le trottoir. Première à avoir forcer le passage, Kristin Frederick et son “Camion qui fume”. Elle a lancé la mode des food-trucks à Paris. Cette Californienne, diplômée de Ferrandi, l’excellente école hôtelière parisienne, était présente à Roanne et voilà ce qu’elle confiait : “Nous avons révélé une attente, les gens sont prêts pour une restauration faite devant eux, dans des conditions d’hygiène irréprochables, avec de bons produits. ” Le succès du “Camion qui fume” est énorme. Deux sont déjà opérationnels sur le front du casse-croute parisien et un troisième va prochainement les rejoindre. Il faut souvent faire plus d’une heure de queue avant de planter ses crocs dans une des créations maisons. “Pourtant, nous sommes organisés pour sortir un hamburger toutes les 40 secondes, souligne, Kristin Frederick. ” Le taylorisme appliqué au burger…
On compte une dizaine de food-trucks à Paris. Des restaurant ayant pignon sur rue ont même décidé de franchir le pas et de se lancer dans le grand bain de foule. C’est le cas de “Mum Dim Sum”, un restaurant du 17éme arrondissement, spécialisé dans les plats vapeurs asiatiques, qui a désormais son camion de vente itinérante.
« C’est certainement un des axes d’avenir pour la street-food, notait Rémy Lucas, directeur de CATE, agence d’études et de conseil sur la restauration et les tendances alimentaires, membre fondateur de l’association Street-food en mouvement, lors de la table ronde organisée par le salon Savoirs & Saveurs. Ce qui dérange les pouvoirs publics, c’est de donner des autorisations de stationnement et de vente à des enseignes itinérantes qui viennent troubler le paysage commercial local. Les restaurateurs sédentaires ont vite fait de protester en arguant de leur patente, de leur loyer, de leur pas de porte… pourtant, ce sont eux qui devraient se frotter les mains devant cette nouvelle tendance. Elle peut leur offrir un relais de croissance important. Ils sont légitimes, car qui mieux qu’eux peut vendre dans la rue ce qu’ils cuisinent depuis déjà des années dans leurs établissements ? »
Reste que la réglementation française n’a pas prévue de place pour cette nouvelle forme de restauration. C’est sans doute aussi cela qui explique notre retard en ce domaine par rapport aux pays anglo-saxons et asiatiques. “Je n’imaginais pas que ce serait aussi compliqué, confirme Kristin Frederick. Il faut être extrêmement déterminé et ne jamais abandonner son idée. A la fin, les administrations diverses finissent par vous faire une petite place. ” Pas simple d’exister sur le pavé parisien… et provincial. A Nice, Sophie Esclapez suit le chemin tracé par Kistin, elle vient de lancer dans les rues de la ville “Le camion de Sophie”. Elle déclarait récemment au magazine Hôtellerie Restauration : "J'ai reçu un bon accueil à la mairie de Nice et pour l'instant je n'ai pas constaté d'hostilité de la part des professionnels mais je suis toujours en recherche d’emplacement."
Et c’est bien ce qui aujourd’hui ralenti la présence de food-trucks dans nos villes, car les chefs eux sont prêts, et pas simplement pour proposer des burgers, mêmes si ceux du “Camion qui fume” sont de véritables petites tueries, d’ailleurs, la prochaine “Petite tuerie du dimanche” nous sera offerte sur ce blog par Kristin Frederick. A Roanne, les chefs locaux ont saisi l’occasion pour cuisiner dans la rue pendant le festival Savoirs & Saveurs des 19 et 20 octobres derniers. On pouvait ainsi déguster le nez au vent : un wrap poulet écrevisse de Fédéric Stalport (restaurant Ma chaumière – Le Côteau), ou encore un panini au sésame saumon fumé et confit d’échalote moutarde violette, accompagné de frites aux truffes d’automne d’Olivier Boizet (restaurant Château de Champlong), ou encore le burger aux cèpes, pastilla d’agneau à la menthe de Christophe Jouannic (restaurant le Lac de Villerest).
L’imagination est au pouvoir, c’est aussi ce que révèle l’exposition “Ma cantine en ville” à la Cité de l’architecture et du patrimoine de Paris où sont exposés les travaux d’étudiants en école de design, d’architecture et d’art. Vous découvrirez leurs projets pour de futurs triporteurs, chariots, camions, motos, enfin tout ce qui peut rouler dans nos villes et porter sur son dos une gastronomie urbaine et savoureuse. Et nous finirons par ne plus dire à table…

Adresses
Le Camion qui fume – Paris - http://www.lecamionquifume.com
Le Camion de Sophie – Nice - Tél. : 06 37 87 47 64
L’association Street-food en mouvement - www.streetfoodenmouvement.fr
Exposition “Ma cantine en ville” jusqu’au 2 décembre à la Cité de l'architecture et du patrimoine - 1 place du Trocadéro et du 11 Novembre - 75116 Paris - www.citechaillot.fr
Tél. : 01 58 51 52 00