A 28 ans, Amara Traoré a déjà passé près de 10 ans dans le monde de la politique. Il milite activement au Parti socialiste, auquel il a adhéré lorsqu’il avait 19 ans. Il est adjoint au maire de La Verrière (Yvelines) en charge de la délégation aux sports. Portrait d’un gars de quartier engagé.
Par Guillaume Rubio
Amara Traoré m’accueille dans le hall de la mairie de La Verrière, souriant et chaleureux. Grand et élancé, il est emmitouflé dans son manteau. Il s'installe et se met à l’aise. Assis en face de moi autour d’une table un peu trop grande et dans une salle assez terne, il s'exprime calmement et distinctement.
Le jeune homme le confesse : si Nicolas Sarkozy n'avait pas été élu président de la République, il ne se serait pas engagé au sein du PS. C'est ce parti qui l'attire, car il partage des valeurs qui lui sont proches. "Tout le monde autour de moi disait : 'Ouais ministre de l'Intérieur on en a bavé, président on va en chier !' Le discours c'était aussi faut brûler des voitures, faut faire ceci, faut faire cela."
C'est justement parce qu'Amara n'était pas d'accord avec les idées de Nicolas Sarkozy qu'il a décidé de s'engager, plutôt que "de rester chez lui en critiquant". Et puis, le 26 juillet 2007, quand le président de la République qui vient d'être élu prononce un discours à Dakar (Sénégal), avec cette phrase sur "l'homme africain qui n'est pas assez entré dans l'histoire", Amara Traoré se sent humilié, voire agressé.
"On m'a dit que ça ne servait à rien, que je finirai comme une pourriture"
Lorsque Amara annonce à sa famille et à ses proches qu'il s'engage au PS, les réactions sont plus que partagées. Certains le soutiennent tandis que d'autres le rabaissent. "Ils me voyaient déjà comme une pourriture si un jour je venais à avoir des responsabilités, me confie-t-il. Il y a beaucoup de personnes qui pensent qu'en politique, il n'y a que des mafieux, des hommes sans foi ni loi. Alors quand ils voient un jeune banlieusard s'engager, ils ont peur qu'il devienne comme ceux qui sont aux responsabilités."
Ce n'est pas sa conception de la politique. Au contraire, "il faut faire confiance aux jeunes, il ne faut pas avoir peur", dit-il. Amara Traoré le reconnaît : "il y a une peur de s’engager" dans les quartiers.
C'est en militant et en distribuant des tracts qu'Amara Traoré forge son identité politique. S'il devait retenir une phrase du porte-à-porte qu'il a effectué et qui marque la fracture entre le peuple et la gauche, c'est celle d'un père de famille qui lui a dit : "La gauche ?! Plus jamais ! Vous vous êtes bien foutus de notre gueule ! Dans cette maison, on est sept, et bien pour la prochaine élection, nous allons tous les sept voter pour la droite !"
Adjoint aux Sports de la ville de La Verrière depuis 2014
En participant à de nombreuses réunions du parti, Amara Traoré noue des contacts. Il se voit proposer, en 2014, de faire partie de la liste d'Alain Hajjaj, adhérent au Parti communiste mais unique candidat de la gauche aux élections municipales.
Cette mission, il la voit comme un défi, car il était le plus jeune sur la liste. Et puis, il fait campagne dans sa ville. Car Amara Traoré, né à Trappes (Yvelines) le mercredi 13 juillet 1988, a grandi à La Verrière dans le quartier du Bois de l'Etang, avant de déménager il y a peu à Orly Parc, quartier un peu plus prisé.
Après l'élection d'Alain Hajjaj - qui a démissionné depuis pour raisons de santé - Amara Traoré est nommé adjoint chargé de la délégation aux Sports. Cuisinier de formation, il "accompagne aujourd'hui les associations sportives dans leur développement et leur recherche de financement", mais également "rencontre les associations pour les différents projets mis en place".
De fil en aiguille, il est aussi élu secrétaire de section de La Verrière du Parti socialiste. Ce poste l'amène à acquérir de nouvelles responsabilités et à rencontrer des politiques nationaux avec qui il noue des liens. C'est le cas de Benoît Hamon, député dans les Yvelines et candidat à la présidentielle. Il a beaucoup participé à sa campagne pour conquérir la 11e circonscription du département en 2012.
"La gauche ne s’est pas assumée !"
Amara Traoré a beau prendre à cœur son engagement chez les socialistes, il ne reste pas moins en désaccord avec certaines mesures du gouvernement. "Je pense que, surtout dans un quartier comme le Bois de l'Etang, le Mariage Pour Tous a eu un impact négatif sur la vision de la société." Beaucoup de ses amis gardent en mémoire cette loi, au point de ne plus jamais voter pour la gauche. Amara est également déçu des évolutions sociétales durant la présidence de François Hollande : "D'un côté tu fais le Mariage Pour Tous et de l'autre tu t'engages à reconnaître le droit de vote des étrangers."
Mais le droit de vote aux élections locales pour les étrangers, résidant légalement en France depuis cinq ans, n'est resté qu'une promesse. Lorsqu'il évoque ce sujet, Amara se révolte. Il va même jusqu'à dire que finalement ne pas avoir adopté cette mesure, "c'est rejoindre un peu le FN et la droite dure". Le jeune élu ne comprend pas : "C'est juste le droit de vote, ils n'ont pas le droit d'être inscrits sur les listes." C'est d’ailleurs l'un des principaux arguments qu'il avançait lorsqu'il faisait du porte-à-porte en 2012.
"Si la gauche n'est pas au deuxième tour, ce sera un échec, une humiliation"
"Tout va se jouer en 2017 ! ", s'exclame Amara. Le résultat de l'élection présidentielle sera décisif. Pour lui, "si la gauche n'est pas au deuxième tour, ce sera un échec, une humiliation même !". Il espère une surprise durant le scrutin. Il se souvient que "tous les pronostics avant l'élection de 2012 avaient été contredits". Mais le jeune élu reste lucide sur la situation de son parti.
Aujourd'hui chef de section du PS, Amara Traoré ne sait pas ce dont son avenir sera fait. "Quelque part, si les gens ne voient pas la différence entre la droite et la gauche et sont prêts à voter pour le FN, c'est qu'il s’est passé quelque chose", reconnaît-il. Il souhaite que son parti sache tirer des leçons des années Hollande. "Espérons que la catastrophe ne soit pas trop grande, mais c'est pas gagné…" Quoi qu'il arrive, il continuera à s'engager, même si ce n'est pas politiquement. Mais, il ne le cache pas, en cas d'échec de la gauche à la présidentielle, il pourrait rendre sa carte au PS.
Amara Traoré en quelques dates :
• 13 juillet 1988 : naissance à Trappes (Yvelines)
• 2008 : Engagement au PS à la suite de l'élection de Nicolas Sarkozy
• 2014 : Adjoint aux Sports de la ville de La Verrière
• 2015 : Chef de section du PS à La Verrière