Une réunion organisée à l'université Paris-I Panthéon-Sorbonne, le 6 octobre, a rassemblé un public large contre les violences policières, mais n'a pas permis de construire une véritable unité. Reportage.
Plus de 400 personnes sont dans la salle. Tous les âges et tous les milieux sociaux sont représentés. A ma gauche, une petite fille s’installe avec sa mère. Des étudiants scandent des slogans militants dans le fond de la salle. Un couple de quadragénaires, lunettes rondes sur le nez et livres à la main, s'assoit à ma droite. Plus loin, je reconnais plusieurs de mes professeurs dans les rangs. Il est 18h30 et tous attendent Assa Traoré, dernière à faire son entrée dans l'amphithéâtre plein à craquer. C'est la sœur d'Adama Traoré, jeune homme de 24 ans mort le 19 juillet dernier à Beaumont-sur-Oise (Val-d'Oise), au cours de son arrestation par les gendarmes. On perçoit une bienveillance générale à l'encontre d'Assa Traoré, confirmée par le tonnerre d'applaudissements à son arrivée à 19h20.
"Faisons front contre le Racisme, l'islamophobie et les violences policières !" C'est le slogan de ce meeting, organisé le 6 octobre à l'université Paris-I. En plus d'Assa Traoré, Sihame Assbague, militante antiraciste, Amal Bentounsi du Collectif Urgence Notre Police Assassine, Guillaume Vadot, enseignant-chercheur et Romain Altmann, secrétaire général d'INFO'COM CGT, la section du syndicat pour les salariés de l'information et de la communication, sont présents pour dénoncer la répression policière.
L'accent est également mis sur la contestation de "toutes les formes de violences". Peu importe le profil des victimes, peu importe le lieu de l’action. Cette intention est clairement affichée sur la banderole accrochée à la table des intervenants : "De Beaumont à Amiens, Paris-I debout contre les violences d'Etat." Des t-shirts "Justice pour Adama" sont vendus à côté d’une affiche SudRail exigeant "les mêmes droits pour tous les travailleurs du rail".
Le meeting est aussi l’occasion de lever des fonds pour un étudiant guinéen menacé d’expulsion. Des prospectus incitant à se rendre à Amiens en soutien aux "huit de Goodyear" sont mêmes distribués. Les participants sont sollicités de toute part. Les interventions s’enchaînent sans trop de logique apparente. Collectif anti-guerre, contre l’expulsion des réfugiés et troupe de comédiens se partagent le micro. Le public est de plus en plus dissipé face à ce joyeux fouillis.
Un rêve d'union qui reste difficile à atteindre
"Je m'étonne de la présence de la CGT." Voilà la remarque d’une jeune fille qui s’empare du micro peu avant la fin du rassemblement. Cachée derrière ses grandes lunettes, elle peine à capter l'attention du public. Son argumentaire ne trouve alors que très peu d'écho dans une salle déjà à moitié vide. Cependant, elle vient ternir l'image d'unité si durement construite par les intervenants tout au long de l’évènement. Seul le principal visé, Romain Altmann, semble avoir une réaction. Un haussement des épaules en signe d’impuissance face aux critiques de cette nature.
Il est 21h10 quand nous sommes priés par la direction de quitter les lieux. Chacun rassemble ses affaires et se dirige rapidement vers la sortie. Le rassemblement touche à sa fin sur un goût d’inachevé : beaucoup de personnes sont réunies, mais l'unité n'est pas créée. Les participants prennent des directions différentes, et chacun rentre chez soi.
Kahina El Kader