Il y a deux ans, une Association pour le maintien d’une agriculture paysanne (Amap) a ouvert à Trappes. Fondée par l'association Dédale, elle est le fruit d'une lutte pour développer les initiatives écologiques, menée notamment par Khaled Gaiji. J'ai rencontré ce citoyen de 36 ans passionné par l'environnement, soucieux de mieux consommer.
Par Tristan Péribois
"J'ai un emploi du temps de ministre…" Sac à dos sur les épaules, un sac plein de légumes dans une main, Khaled Gaiji a l'air d'un baroudeur. Lui donner rendez-vous n'a pas été une mince affaire puisqu'il vadrouille en permanence. Son agenda chargé est dû à son implication permanente sur tous les fronts pour l'écologie dans les quartiers populaires. Il lutte également contre la pollution publicitaire qui, selon lui, étouffe nos villes.
"Je me suis retrouvé à un truc très citoyen et j'ai découvert d'autres mondes"
L'état de la planète, l'exploitation des paysans, les populations défavorisées… Tous ces sujets ne l'ont pas taraudé naturellement. Cela lui est venu par hasard, à 23 ans, alors qu'il étudiant à l'Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ). En 2003, un ami étudiant l'emmène à un grand rassemblement contre la marchandisation du monde, organisé au Larzac par la Confédération paysanne.
"Moi j'y suis allé pour les concerts, pour le côté festif… comme pas mal de jeunes. Et finalement je me suis retrouvé à un truc très citoyen et j'ai découvert d’autres mondes", explique-t-il. Un déclic qui sera le début de son engagement. "J'ai pris conscience de ça quand je suis allé à ce machin ! Finalement j'ai même pas pu aller voir les concerts de Manu Chao", insiste-t-il. Il était d'avantage captivé par les débats que par la musique.
A son retour, il adhère à Icare, une association étudiante créée au départ autour des projets humanitaires. Aujourd'hui, Icare a développé ses activités, et met en place des initiatives solidaires et écologiques sur le campus de l'université et ses alentours. Cette adhésion lui a permis d'agir en tant que citoyen sur les questions de solidarité internationale.
Une vie associative prolongée après l'université
Khaled Gaiji est né en Tunisie, en 1980. Il n'est pas encore "Français de papiers" aujourd'hui et pourtant, il œuvre plus que d'autres pour la démocratisation des initiatives citoyennes et solidaires dans les quartiers populaires. Il est très à l'aise avec son identité et le revendique même. "Je me considère comme un Français", affirme-t-il. Davantage encore que s'il était né en France.
Avec un master II en Sciences environnementales et un master I en Sciences politiques et communication en poche, il quitte l'UVSQ. Il décide, alors, avec d'autres personnes, de poursuivre l'aventure et co-fonde l'association Dédale (père d'Icare dans la mythologie grecque). "On s'est dit, tiens, ce serait intéressant de faire ce qu'on faisait à Icare mais à l’extérieur de l'université", confie-t-il. Pas de président, pas de chef mais des coopérateurs. "Ce n'est pas une structure comme les autres, elle est gérée par un collège solidaire", dit-il d'une voix qui retrouve parfois des accents maghrébins.
L'économie sociale et solidaire, consommer autrement, construire un autre monde... sont des sujets développés au sein de l'association autour de jeux, de dîners-débats et d'actions concrètes, comme des jardins partagés et des Amap. "Dédale a une critique très radicale de la société mais insiste sur les solutions", explique-t-il.
"Créer une Amap, c'est tout simple !"
Khaled Gaiji est très actif quand il s'agit de promouvoir de grands évènements alternatifs à Saint-Quentin-en-Yvelines et ses environs. Il était sur le terrain lorsqu'Alternatiba, le festival des alternatives créé à Bayonne, a été installé dans les rues de La Verrière. Il faisait partie du comité participatif organisateur, ces gens qui ont pris tous les contacts nécessaires et qui ont fait en sorte que ce festival soit possible. Le festival, qui a eu lieu les 6 et 7 juin 2015, a permis d'imposer l'écologie et une vision nouvelle de l'économie au cœur des quartiers populaires de La Verrière, aux portes de Trappes.
En 2007, il concrétise un de ses projets qui découle de son idéologie pour l'économie participative. Il participe au lancement de l'Amap Terrain Vague à Guyancourt. L'une des premières Amap de Saint-Quentin-en-Yvelines sera suivie par Farces à Trappes, lancée en 2014. "Il n'y en avait pas à Trappes, il fallait en créer une ! C'est tout simple !", s'émerveille-t-il.
Un autre objectif contre une autre forme de pollution
Khaled Gaiji lutte également contre la pollution publicitaire qui envahit nos villes. C'est le président de l'association nationale Résistance à l'Agression Publicitaire. Homme de terrain, Khaled organise et participe à des actions anti-pub tel que le recouvrement d'espaces publicitaires par des slogans contre la publicité ou des œuvres d'art. En qualité de président, il a signé une lettre de soutien aux "Déboulonneurs" (collectif de citoyens menant des actions anti-pub). Si cet objectif est loin de connaître son aboutissement, le plus français des Tunisiens a réussi à faire entrer la consomaction dans les banlieues populaires de Saint-Quentin-en-Yvelines.
Khaled Gaiji en neuf dates :
1980 : Naissance à La Madouba en Tunisie
1991 : Arrive en France, à Montigny-le-Bretonneux (78) avec ses parents
1996 : Part en Egypte, au Caire
2000 : Retour en France à Boulogne-Billancourt
2003 : S'installe à Guyancourt et étudie à l'UVSQ
2008 : Lance l'Amap Terrain Vague à Guyancourt et co-fonde l'association Dédale
2014 : Lance l'Amap Farces à Trappes avec Dédale
2015 : Co-organise le festival Altérnatiba SQY à La Verrière
2016 : Devient président de Résistance à l'Agression Publicitaire