Le blog Trans'Europe Extrêmes se rend pendant la campagne des élections européennes dans cinq pays où la droite populiste et europhobe est en plein essor. Deuxième étape : le Royaume-Uni.
Dans un rayon de soleil inattendu, les candidats Ukip aux élections européennes, costume gris-cravate violette pour messieurs, tailleur mauve ou prune pour mesdames, trépignent devant la gare en brique de Portsmouth. Déboule d'abord le repérable "Common sens tour" bus, le bus de la "Tournée du bon sens", qui affiche ce petit panneau à droite de son pare-brise : "libéraux-démocrates, conservateurs, travaillistes, toujours plus de la même chose". Vide. Puis le taxi du candidat, donné premier le 22 mai prochain, 3 points devant les travaillistes, depuis la veille.
"Il ne pourra pas faire pire que Cameron!"
"J'espère faire un bon score, mais quel candidat n'aurait pas cet espoir", confie Nigel Farage, faux-modeste immédiatement entouré d'une vingtaine de journalistes et photographes qui se piétinent les uns les autres. "Cela fait trois ans que j'annonce un tremblement de terre dans la politique britannique pour ces élections", glisse-t-il tout de même, le visage fendu par un immense sourire.
Un quinquagénaire l'interpelle sous sa casquette camouflage "Je vais voter pour vous!"."C'est parfait!" Le patron de Ukip lui fond dessus pour une franche poignée de main.
Derrière lui, deux copines commentent :
- "Il ne pourra pas faire pire que (David) Cameron (l'actuel Premier ministre conservateur), n'est-ce-pas?"
- "Absolument pas",
- "Tout à fait ! Faites notre campagne!", leur lance une des candidates qui assure le service après vente, 5mètres derrière Nigel Farage.
"Rejoindre l'armée du peuple"
Les journalistes en rangs serrés devant, sa grappe de candidats derrière, l'eurodéputé progresse mètres après mètres, appelle les citoyens "à rejoindre l'armée du peuple" et confirme que "oui, il est définitivement un candidat anti-establishment". Une jeune quadragénaire les mains pleines d'emplettes se retrouve par hasard coincée face au candidat :
- "Allez-vous voter en mai prochain ?"
- "Oui!"
- "Allez-vous voter pour nous?"
- "Je ne sais pas…"
- "Que puis-je faire pour que vous le fassiez ?"
Trop intimidée, elle tente de reculer, il part d'un grand éclat de rire et lui souhaite un excellent après-midi. En se retournant, il tombe nez-à-nez avec le petit stand monté à la va-vite par les conservateurs locaux pour contrer sa visite. Poignées de main cordiales pendant que trois jeunes femmes se demandent si elles ne devraient pas entamer une chorale pour chanter "Get Britain out". "Lui, au moins, il parle comme nous", lance un homme en chemisette, dragon multicolore tatoué sur le bras droit.
"Moi d'abord"
Cinquante-cinq mètres et 15 minutes passés sur Commercial road, la seule rue commerçante de Portsmouth, plus tard, "Nigel" fait demi-tour. Le temps de réordonner sa clique derrière lui, il file vers l'hôtel de ville local, tenu par les libéraux-démocrates que la montée en puissance Ukip embarrasse. Le service d'ordre veille à ce que le candidat ne puisse pas faire de photo sur la volée de marches du bâtiment néoclassique. Nigel Farage s'assure que la mamie du parti conservateur postée là pour tracter s'en fasse descendre aussi, avant de s'engouffrer dans la salle où il a prévu de présenter sa liste.
A la fin de son discours, le candidat ne laisse pas de place aux questions. Il préfère recevoir les journalistes les uns après les autres dans un petit bureau gardé par deux molosses à oreillettes. "Moi d'abord, je suis le seul journaliste qui ne vient pas d'un pays de l'UE", sourit un confrère suisse. Rattrapé par un Norvégien blagueur: "Ah ouai et la Norvège alors ?" Tout le monde aura son tour. En attendant, les autres candidats sont à disposition.