A force d’entendre partout que Luz quitte Charlie Hebdo, on en oublierait presque qu’il sort aussi un album de dessins. Sublime. Ça s’appelle Catharsis et ça parle de ce jour qui a changé sa vie. "Vous savez, le 7 janvier il ne s’est jamais rien passé dans l’histoire", y raconte un avatar de Luz affalé sur le divan de sa psy, la veille du drame. "Il ne se passe jamais rien ce jour-là, à part mon anniversaire et ma mère qui m’appelle en pleurs."
Catharsis "n'est pas un témoignage, encore moins un ouvrage de bande dessinée", se défend son auteur. C’est vrai qu’il est difficile à définir, cet album. A la fois journal intime d’un survivant, carnet de croquis, c’est aussi une bouleversante déclaration d’amour et une formidable bouffée d’espoir qui entremêle le sexe et les larmes. Il y a mille raisons de lire Catharsis. Pop Up’ vous en livre trois.
1Parce que c’est beau et effrayant
Au journal Le Monde, Luz raconte comment il a eu l’idée d’employer la couleur pour exprimer l’indicible. "Il m’était impossible de raconter comme 'avant' ce que j’avais dans le crâne – la peur, la paranoïa, l’angoisse de perdre le désir… C’est là que le dessin m’a dit : 'Mais utilise la couleur, mon pote !'" confie le dessinateur. Le rouge, surtout, métaphore de sa colère, sa terreur, sa frustration. Et, plus prosaïquement, du sang.
2Parce que c’est tendre et poignant
Si Catharsis est dédié "à ceux qui sont partis", il est surtout le témoignage émouvant d’un Luz dévasté à Camille, sa femme, "souvent dessinée, tous les jours désirée, éternellement aimée". Les planches où elle apparaît sont parmi les plus déchirantes de l’album. A Libération, l’auteur s’en étonne encore : "Ça paraît super bateau mais, pour moi, c’est plus une déclaration d’amour à la femme de ma vie qu’un bouquin sur le traumatisme. Mais je ne le savais pas avant."
3Parce que c’est drôle et intelligent
On connaît Luz pour son franc-parler. La douleur ne le lui a pas ôté et on retrouve ce mélange de cynisme et de lucidité dans quelques planches, les plus drôles. Comme lorsqu’il fait passer le test de Rorschach à un intégriste musulman qui lui demande : "Rorschach, c'est pas juif comme nom ?" Ou quand il se moque des complotistes.
Le trait est souvent tremblotant, conséquence de cette main droite qu’il ne contrôle plus vraiment. A Libération, Luz explique : "Moi, il faut que je dessine pour ne pas trembler et vu que je tremble de plus en plus, il va falloir que je dessine de plus en plus." Depuis, il a envoyé un dessin à Stephen King pour lui demander s’il pouvait adapter en bande dessinée son roman The Shining. On a déjà hâte.
Catharsis de Luz - 128 pages à paraître le 21 mai 2015 aux éditions Futuropolis - 14,50 euros.
