Il ne porte pas d'élégantes lunettes noires, ni d'imperméable en cuir comme son homologue dans Matrix. Pourtant, lui aussi a pris la pilule rouge pour voir l'envers du décor. Ce Néo-là est un cochon, star déchue des calendriers de la Poste et des réseaux sociaux. En retraite dans une fermette tenue par des militants opposés à l'agriculture intensive, il pense couler des jours heureux à ronfler sur le canapé du salon avec Flèche, le chien de la famille, et... Ignoble créature, le chat retors baptisé ainsi à cause de son physique difficile mais aussi de son caractère. D'ailleurs, c'est un peu à cause de lui que ce petit paradis va s'écrouler.
Ça parle de quoi ?
Chassés de leur petit coin de paradis à cause d'une descente de police dans ce qui ressemble fort à une ZAD, Néo et quelques compagnons décident de prendre la tangente et d'aller sauver leurs compagnons captifs, promis à l'abattoir. Dans cette drôle d'équipée, on trouve Renata, la vache laitière, Soasig une brebis forcément bretonne, Bruce, un bœuf des Highlands à la mèche rebelle, et Ferdinand, un coq qui pourrait bien être plutôt une poule. Leur épopée sera ponctuée de bonnes ou de mauvaises rencontres, d'autoroutes à traverser entre autres obstacles que les humains auront mis sur leur route. Et qui sait, peut-être parviendront-ils à rejoindre Pig Island, but ultime du voyage, sur laquelle Néo a flashé en visionnant un documentaire à la télé. Le paradis des porcs, où des naïades les laissent gambader sur la plage sans penser à leur prochain barbecue.
Pourquoi on adore
Le bandeau sur la couverture annonce : "Cet album n'est pas recommandé par votre boucher". A juste titre : le scénariste Stéphane Betbeder, devenu végétarien, ne s'est pas privé de représenter des scènes d'abattages qu'on croirait issues de vidéos de l'association L214. Mais il garde la distance nécessaire pour ne pas faire de cet album un réquisitoire contre la bidoche. "Je considère qu’une œuvre militante fait toujours un mauvais bouquin ou un mauvais film (ou alors je n’ai pas lu ou vu les bonnes œuvres)", s'est-il défendu sur France 3. Pas sûr cependant qu'un carnivore puisse savourer l'album à sa juste mesure s'il le dévore avec un steak frites à la pause déjeuner. Car outre le propos, le dessinateur Paul Frichet, jusque là plutôt spécialisé en elfes ou en korrigans, réalise le tour de force de prêter des mimiques très expressives à des animaux sans tomber dans du Walt Disney. On compte sur le duo pour tenir cette excellence dans les six tomes que comptera la série.
C'est pour vous si...
... vous trouvez que les animaux sont un excellent support pour des œuvres politiques fortes, comme La Ferme des animaux. Si vous vous questionnez sur votre consommation de viande. Si vous avez acheté un bouquin de collapsologue sans avoir encore osé l'ouvrir. Si vous voulez initier vos enfants (pas trop petits quand même) à cette problématique qui va forcément les concerner. Et si vous aimez vous laisser emporter par une jolie fable.
L'Arche de Néo, tome 1, A mort les vaches, par Stéphane Betbeder et Paul Frichet, éd. Glénat, 64 p., 15 euros environ.