Après Girls Don't Cry et Tonight, la dessinatrice Nine Antico continue de dresser avec un humour grinçant le portrait des jeunes filles d'aujourd'hui. Sorte d'anti-Bridget Jones, son héroïne, Pénélope, est à la bande dessinée ce que Hannah Horvath, le personnage principal de Girls, est à la série télé. Une peste immature qu'on adore détester et qu'on retrouve avec délice dans America, sa nouvelle BD.
Ça parle de quoi ?
Fraîchement larguée, Pauline s’offre une coupe de cheveux radicale (et forcément ratée) puis s’envole pour les Etats-Unis, histoire de changer d’air et, surtout, de ne pas affronter la réalité. Sur place, il sera toujours temps de faire le point sur ce qui n’a pas marché avec Pedro.
Mais l’Amérique de Pauline a un goût amer. Entre coloc Airbnb lunaire, plans cul décevants et punaises de lit, ce voyage ne s’avère pas aussi rafraîchissant que prévu. "J’ai cet espoir fou qu’un livre peut changer ma vie. Un mec aussi…” Et si c’était toi, Pauline, le problème ?
Pourquoi on adore ?
Parce qu’au mieux, on connaît tous une Pauline. Au pire, si on est un poil lucide, on est cette fille agaçante qui attend en geignant que la vie lui offre une licorne à la crinière arc-en-ciel. Rien de nouveau sous le ciel de Nine Antico. La dessinatrice de 36 ans suit son trio de copines découvert il y a sept ans dans Girls Don’t Cry et dont on a suivi les aventures dans Tonight, paru en 2012. C’est d’ailleurs dans cet album que Pauline y avait rencontré Pedro.
Cinq ans plus tard, Nine Antico reprend les mêmes et recommence. Car Pauline, Marie et Julie ont beau avoir un peu vieilli, niveau maturité, ce n’est toujours pas ça. Si elles prennent doucement conscience que, comme le clame si bien Sexion d’Assaut, "la vie, c’est pas Melrose Place" – même lorsqu'on se trouve en Californie –, les trois copines continuent de faire et refaire les mêmes erreurs.
Mais réjouissez-vous ! Dans America, ça bitche toujours autant et l'on se réjouit de voir que l’auteure prend le même malin plaisir à ridiculiser ces "jeunes femmes d’aujourd’hui". Certes, on sent bien que Pauline l'agace au plus haut point et qu’elle la trouve un peu pathétique dans ses obsessions. Comme quand, à l’idée que son avion pourrait se crasher, Pauline se félicite d’avoir pensé à ranger son gode avant de partir. Première lorsqu'il s'agit de critiquer ceux qui l'entourent, Pauline est moins lucide envers sa petite personne. Surtout lorsqu'elle parle de son sujet de prédilection : les mecs.
Côté dessin, les aficionados d’Antico retrouveront avec bonheur son trait vintage, peut-être un peu plus détaillé que par le passé. Même sa mise en couleurs est un peu rehaussée, de plus en plus pop. Car, comme ses héroïnes, Nine Antico grandit, mais ne change jamais vraiment. Et c’est tant mieux.
C’est pour vous si…
Vous êtes une fille. Ou si vous êtes le genre de garçon fan de Girls, la série de Lena Dunham (dont la sixième et dernière saison vient de s'achever). Bref, si vous aimez vous délecter des aventures foireuses de trentenaires immatures, incapables de se remettre en question et qui passent la plupart du temps à s'apitoyer sur leur sort. Ça marche aussi si vous aimez Les Cahiers d'Esther et La Vie secrète des jeunes de Riad Sattouf, qui partage avec Nine Antico cette même capacité à capter, avec une extrême lucidité, l'air du temps que respire la jeunesse actuelle.
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America de Nine Antico, coll. 1000 Feuilles aux éd. Glénat, 64 p., environ 14 euros.