Raconter une seule et même histoire, mais avec deux points de vues différents, c'est le pari du Japonais Daisuke Imai. Ce jeune auteur de manga, que l'on avait découvert en France il y a quatre ans à l'occasion de la parution de sa série en cinq tomes Sangsues (éd. Casterman), revient avec un double récit autour de la rencontre entre deux jeunes étudiants. Un concept original, aussi éclairant qu'émouvant.
Ça parle de quoi ?
Deux jeunes gens se heurtent par hasard dans une rue de Kyoto. Chihiro, une jolie jeune fille ultra timide qui n’a pas du tout conscience de sa beauté, et Yukichi, un jeune intello un peu trop conscient de sa supériorité intellectuelle. Après un bref échange, les deux étudiants vont, chacun de leur côté, donner plus ou moins de sens à cette rencontre. C’est leur différence de perception et de ressenti que raconte Destins Parallèles à travers deux ouvrages distincts, elle et lui. Car ce début d’histoire complètement banal devient le prétexte à raconter la vie de deux êtres que tout oppose... ou que tout rapproche, selon votre interprétation.
Pourquoi on adore ?
Le concept sur le papier était prometteur et rappelait celui de la série télévisée The Affair. Diffusée sur la chaîne américaine Showtime depuis 2014 (et en France sur Canal+ Séries), la série se distingue en premier lieu par sa forme. Chaque épisode de la première saison est scindé en deux parties distinctes, chacune étant consacrée à l’un des deux protagonistes principaux (ça s’est corsé par la suite en ajoutant le point de vue d'autres personnages de la série). L’objectif est simple : confronter les points de vues et réaliser à quel point notre réalité est singulière.
C’est cette étonnante dichotomie (la réalité vs. notre réalité) que pointe du doigt le Japonais Daisuke Imai en décidant tout simplement d’en faire deux histoires distinctes, racontées sous la forme de deux volumes séparés. Un procédé inventif qui transforme son récit en une passionnante incursion dans la psychologie de ses personnages.
Evidemment, votre vision de l’histoire sera influencée, selon que vous commencez votre lecture par le tome elle ou par le tome lui. Votre choix de débuter votre lecture par l'un ou l'autre des deux tomes départ n’est donc pas à prendre à la légère. De notre point de vue, on vous recommande de débuter par elle et le point de vue de Chihiro, tant la jeune fille est attachante et craquante de timidité.
Car l’autre point fort de Destins Parallèles, c’est évidemment son graphisme. Ce n’est que la deuxième série de Daisuke Imai, mais celui-ci fait preuve, une fois encore, d’une très grande virtuosité. Les visages de ses personnages sont toujours immédiatement reconnaissables, à l’image de ceux de son compatriote Inio Asano (Dead Dead Demon’s Dededededestruction, Solanin, Bonne nuit Punpun) avec lequel il partage un certain talent pour croquer des bouilles tellement kawaii (et, dans une moindre mesure, un certain goût des décors ultra détaillés) qu'elles entraînent presque immédiatement une énorme empathie. Quant au rythme et au découpage du récit, ils sont parfaitement maîtrisés. La preuve ultime : le mangaka a bouclé le destin de ses personnages en seulement trois tomes (donc en six volumes au total). Parfait pour éviter de trop tirer sur un pitch de départ qui a évidemment ses limites.
C’est pour vous si…
Vous aimez les histoires fondées sur la psychologie des personnages, les récits à la fois touchants, troublants et drôles. Destins Parallèles est un petit bijou de sensibilité et d’amour. La série parfaite pour vous faire aimer la bande dessinée japonaise (si ce n’est pas déjà le cas) et vous donner envie de flâner dans les rues de Kyoto.
Destins Parallèles - elle, tome 1 et Destins Parallèles - lui, tome 1 par Daisuke Imai, éd. Komikku, environ 190 p. et 8 euros le tome.
Tous les visuels reproduits dans cet article sont © Daisuke Imai 2015 / Futabasha Publishers Ltd.