Accaparé depuis cinq ans par Lastman, son projet collectif, Bastien Vivès n'avait pas assez de temps à consacrer à un album plus personnel. Il revient enfin avec Une sœur, un roman graphique qui explore les émois adolescents et célèbre la vie dans ce qu'elle a de plus simple et de plus beau.
Ça parle de quoi ?
Comme chaque été, Antoine, 13 ans, passe ses deux mois de vacances avec ses parents et son petit frère sur l’Île-aux-Moines. Mais entre les traditionnelles chasses aux crabes à marée basse et les heures passées à dessiner au soleil vient s’immiscer la jolie Hélène. Venue se ressourcer quelques jours avec sa mère après un drame familial, l’adolescente de 16 ans va se lier avec Antoine et l'initier à des plaisirs plus adultes.
Pourquoi on adore ?
On l’avoue sans peine, avant même d’avoir ouvert Une sœur, on était complètement excité à l’idée de retrouver Bastien Vivès en solo. Car on a beau adorer Lastman, le "manga à la française" qu’il réalise avec ses compères Balak et Mickaël Sanlaville depuis 2013, on attendait fébrilement qu’il donne un petit frère à Polina, sa dernière BD sortie il y a déjà 8 ans.
Ce sera finalement Une sœur, dessinée en quatre mois lors d’une parenthèse qu’il s’est accordée l’été dernier. "J’ai une manière très régressive de voir mon boulot. Depuis cinq ans, je fais de la BD avec beaucoup d’action, de mouvements et des superhéros. J’avais besoin de sortir de cette enfance", justifiait-il récemment au micro de France Inter.
C'est par procuration qu'il a choisi de s'en extirper, en faisant vivre à son jeune héros une adolescence en mode express. Car cette transition que la plupart d’entre nous mettons des années à réaliser, Antoine va la vivre en une semaine. Hélène est belle. Elle flirte avec des garçons, fume, boit de l’alcool. Lui joue encore aux Pokémon. Avec beaucoup de bienveillance, elle va partager son expérience adolescente avec lui.
Une sœur est une pause dans la vie professionnelle chargée de Bastien Vivès et il a construit son récit comme tel. L’album s’ouvre sur un drame. Sylvie, la mère d’Hélène et amie du couple, vient de faire une fausse couche. C’est pour cette raison qu’elle et sa fille viennent passer quelques jours se reposer au bord de la mer. Deux cents pages plus tard, un autre drame se noue. Entre-temps, Antoine aura grandi en découvrant le sexe, l’ivresse des fêtes et le goût de l’interdit.
A désormais 32 ans, l’ancien jeune prodige de la BD française confirme son talent monstre. Une sœur est son album le plus fluide. On lit qu’il est le plus abouti quand Polina, paru en 2011 (et récemment adapté au cinéma), était déjà celui de la maturité. Sûrement. Il est surtout le plus touchant en dépit (grâce ?) d'une économie drastique de mots et d'un trait incroyablement épuré.
Véritable concentré d’émotions, Une sœur se révèle être une ode à la mélancolie. A France Inter, Bastien Vivès confessait avec nostalgie qu’il retournerait avec plaisir au temps où il avait 8 ans, "lorsqu’il n’y avait pas de souci, pas de meuf. Tu ne sais même pas ce que c’est. Tout est trop bien dans ta vie." En refermant Une sœur, on se surprend à vouloir avoir 13 ans à nouveau. Pour vivre avec passion ces premières fois oubliées depuis trop longtemps.
C’est pour vous si…
Vous partagez avec Bastien Vivès la même cinéphilie, au carrefour de Diane Kurys, cinéaste des émois adolescents avec Diabolo Menthe puis La Baule-les-Pins, et d’Eric Rohmer, le réalisateur des jeunes gens qui tombent amoureux. Et ne vous méprenez pas, on peut être à la fois fan de sa régressive série Lastman (dont on attend impatiemment la sortie du tome 10 en septembre) et de son œuvre plus personnelle. D'ailleurs, les éditions Casterman profitent de son actualité pour rééditer Elle(s), son premier roman graphique sorti il y a tout juste dix ans.
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Une sœur de Bastien Vivès, éd. Casterman, 216 p., environ 20 euros.