"Ash vs Evil Dead" : comment la série peut devenir aussi culte que les films

Un retour d'outre-tombe à l'occasion d'Halloween. Vingt-trois ans après L'Armée des ténèbres, dernier opus de la trilogie, Evil Dead fait de nouveau parler de lui. Mais, contrairement à ce qui était attendu par les fans, ce n'est pas au cinéma, mais à la télé que la saga culte de Sam Raimi revient.

Diffusée sur la chaîne américaine Starz à partir du 31 octobre, Ash vs Evil Dead réunit les membres fondateurs de cette trilogie entrée au panthéon de la pop culture. Mais cette série de dix épisodes, dont une deuxième saison a déjà été commandée, peut-elle être à la hauteur de ses glorieux aînés ? Oui, si elle respecte quatre principes qui font l'essence même d'Evil Dead.

En conservant un esprit innovant

Qui a oublié ce fameux plan séquence où la caméra fond à toute vitesse à travers les bois sur un acteur pour représenter le "mal" se jetant sur sa proie ? Ou ces plans serrés sur les yeux ? Ces effets spéciaux "old school" ? Le réalisateur de la trilogie, Sam Raimi, avait été particulièrement inventif lors du tournage du premier Evil Dead. Il faut dire qu'avec un budget de 350 000 dollars, il avait dû faire preuve d'imagination pour mettre en scène ses idées ambitieuses. Le meilleur exemple : la "shaky cam". Pour réaliser ce plan séquence où la caméra se lance à la poursuite de l'acteur, il avait fixé l'appareil à une planche en bois de 2 m sur 4 m transportée par deux personnes qui couraient à toute vitesse dans les bois.

Un dispositif proche de la "steady cam" si efficace à l'image qu'il a marqué de nombreux réalisateurs, comme David Fincher, qui a repris ce dispositif pour un plan séquence dans Se7en, rappelle Tested (en anglais). Même chose pour les travellings, réalisés, faute de moyens, grâce à un dispositif mêlant planches en bois, caméra et… vaseline.

Mais même lorsqu'il a bénéficié d'un budget plus confortable pour les deux épisodes suivants, Sam Raimi n'a rien perdu de son inventivité en multipliant les plans décalés ou les idées de mise en scène loufoques. Un exemple ? La façon dont il joue avec le mythe du double maléfique d'Ash, le héros de la saga, dans Evil Dead 2 ou L'Armée des ténèbres.

Mais que les fans se rassurent, Ash vs Evil Dead semble s'inscrire dans la droite lignée de la mythique trilogie. Premièrement, parce que Sam Raimi est toujours aux commandes (il réalise même le premier épisode) et qu'il a prouvé, même sur de grosses productions comme Spider-Man, qu'il restait cet artisan du cinéma amoureux des effets et plans audacieux.

Ensuite, si l'on en croit l'acteur Bruce Campbell, le papa d'Evil Dead s'est montré particulièrement créatif durant le tournage de la série. "Nous avons créé un univers, donc nous avons dû fabriquer plus de choses que ce que l'on fait généralement dans ce type de série. Librairies, restaurants... Tout a été 'Evil Dead-isé', explique l'interprète d'Ash dans Entertainment Weekly (en anglais). On se sert de nos propres effets spéciaux en utilisant les méthodes d'hier et d'aujourd'hui. Sam est le genre de mec à mélanger le stop-motion avec les maquettes miniatures et les effets numériques. C'est un magicien dans l'âme."

En sachant être effrayante…

Si Evil Dead a autant marqué les esprits, c'est aussi parce qu'il a flanqué une sacrée frousse aux spectateurs au moment de sa sortie en salles en 1981. Grâce à ses effets spéciaux aussi foutraques que spectaculaires et sa mise en scène innovante, l'œuvre (le premier opus surtout) de Sam Raimi est directement entrée dans le panthéon des films d'horreur en compagnie des Griffes de la nuit, du regretté Wes Craven, ou de L'Exorciste, de William Friedkin.

Tout est fait, en effet, pour prendre le public à la gorge dès le début du film et ne jamais relâcher la pression : des plans où la caméra poursuit les acteurs aux prises de vue qui font perdre leurs repères aux spectateurs, en passant par les bruitages angoissants mixant murmures, râles et voix d'outre-tombe, la pression est permanente. "Approximatif, truffé de faux raccords et d'effets spéciaux limite amateur, Evil Dead est pourtant un film formidable parce que fidèle à son objectif : faire peur", rappelle Novaplanet.

Des qualités qui n'échappent pas au grand maître de l'horreur, Stephen King, qui défendra et encensera le film lors de sa présentation au festival de Cannes dans les sections parallèles en 1982. "C'est le film d'horreur le plus férocement original de l'année", lâche à l'époque l'auteur de Carrie et Shining. Il faut dire que Sam Raimi ne lésine pas sur les moyens pour terrifier les spectateurs en multipliant les effets gore ou en tournant des scènes particulièrement impressionnantes, à l'image du moment où l'un des personnages se fait littéralement violer par la forêt.

Et l'esprit maléfique de la saga semble posséder la série Ash vs Evil Dead, si l'on se fie aux dernières bandes-annonces où l'hémoglobine coule à flots. "Ça n’aurait pas pu marcher ailleurs que sur Starz ! C’est la seule chaîne où l’on peut voir une aventure d’Evil Dead non censurée", a récemment assuré Bruce Campbell.

… tout en restant drôle

La trilogie Evil Dead est certes à classer dans le rayon films d'horreur, mais elle offre aussi de grands moments d'humour. Déjà perceptible dans le premier film, ce mélange entre horreur et comédie se développe dans Evil Dead 2 (1987). Au programme de cette suite-remake : toujours autant de gore et de suspense, mais aussi des scènes loufoques dignes des meilleurs Tex Avery. Un esprit parfaitement résumé dans la scène où le Mal commence à prendre possession du corps d'Ash via sa main droite. S'ensuit une lutte acharnée entre cette main maléfique et le héros de la saga, qui finit par se saisir d'une tronçonneuse pour se séparer de ce membre belliqueux.

Mais cet esprit burlesque prend vraiment tout son sens dans le troisième opus de la saga. L'Armée des ténèbres (1992), qui envoie Ash à l'époque médiévale, multiplie les séquences humoristiques et les répliques cultes qui feront définitivement entrer la trilogie dans la légende.

Un ton unique développé par Sam Raimi qui se retrouvera dans certains de ses films comme Jusqu'en enfer, où ce cocktail mêlant humour et horreur donne un résultat décapant. A noter d'ailleurs que Fede Alvarez, le réalisateur du remake d'Evil Dead, sorti en 2013, avait décidé de se passer de ce ton humoristique pour livrer un film très premier degré axé uniquement sur l'horreur. Un choix efficace, certes, car ce long-métrage est angoissant, voire choquant (vous ne regarderez plus de la même façon un couteau électrique), mais qui l'empêche d'atteindre les sommets de ses glorieux anciens.

Que les fans se rassurent, l'esprit particulier de la saga semble être au rendez-vous dans Ash vs Evil Dead, si l'on en croit Sam Raimi. "Le ton de la série sera un mélange de l'horreur du premier Evil Dead avec le personnage d'Ash tel qu'il est développé dans le deuxième épisode, explique le réalisateur à Entertainment Weekly. Ce sera probablement une combinaison des deux."

En déterrant un Ash de guerre

"Groovy !" Cette réplique résume à elle seule Ash, le personnage central de la trilogie. Incarné par Bruce Campbell, il est devenu une icône de la pop culture grâce à son humour, ses mimiques et son équipement pour lutter contre les démons : une tronçonneuse à la place de sa main droite et un fusil à canon scié qu'il utilise régulièrement à bout portant.

Sans oublier que ce personnage n'a rien d'héroïque. Beauf, prétentieux, inculte, immature… Il est capable des pires gaffes en raison de son caractère impétueux. Le meilleur exemple se trouve dans L'Armée des ténèbres, lorsque, se présentant comme le sauveur, Ash, par son incapacité à retenir une formule magique, finit par réveiller une horde de morts-vivants.

Mais tous ces défauts sont compensés par deux énormes qualités : Ash est cool (il a toujours une bonne punchline lorsqu'il dégomme un démon) et bénéficie d'une impressionnante capacité à encaisser les coups. Tout au long de la saga, Sam Raimi a, en effet, pris un malin plaisir à torturer son acteur fétiche en lui faisant subir les pires sévices. Une marque de fabrique qui sera visiblement présente dans Ash vs Evil Dead si l'on se fie aux propos du réalisateur. "J'ai découvert que torturer Bruce [Campbell] est très sain et productif, confie Sam Raimi à Entertainment Weekly. Et les gens adorent ça. Je pense même que leur plaisir est proportionnel au niveau de souffrance de Bruce."

Et le réalisateur semble aussi décidé à jouer au maximum sur le côté vieillissant de son personnage, qui, loin d'acquérir une certaine forme de sagesse, semble plus déjanté que jamais. "Il a des problèmes dentaires et peut-être même qu'il est incontinent, ajoute Sam Raimi. Et à cause d'une stupide erreur qu'il commet, il réveille de nouveaux les démons, ce qui lance la série." Reste à savoir si un tel personnage, qui fonctionne très bien dans le cadre d'un film, pourra s'inscrire dans la durée d'une série qui compte dix épisodes, comme le souligne The Verge (en anglais). Mais, au vu des quatre premières minutes de Ash vs Evil Dead, dévoilées mercredi, on a hâte.