Les réserves ministérielles, de l'argent public à disposition des ministres

Connaissez-vous la réserve ministérielle ? De l’argent public à la disposition du ministre qu’il distribue selon son bon vouloir pour agrandir une école ou aménager une rue… Comment cette cagnotte est-elle dépensée ? Qui en profite et y a-t-il du favoritisme ?

La réserve ministérielle la plus importante se trouve au ministère de l’intérieur. L’année dernière, Bernard Cazeneuve, alors ministre, a dépensé 3,9 millions d’euros. Il a par exemple donné 10 000 euros à une commune pour l’acquisition d’un tracteur ou encore 35 000 euros pour l’extension d’une mairie. Celui qui a obtenu la plus grosse somme, c’est Jean-Paul Bacquet, maire et député socialiste du Puy-de-Dôme jusqu’en juin dernier. 333 500 euros de subventions. Comment en a-t-il obtenu autant ? Par son implication dit-il mais pas seulement !

«Bernard Cazeneuve est plus qu’un ami. Je le considère comme un frère, mais j’ai bénéficié de subventions très importante, lorsque Daniel Vaillant était ministre de l’intérieur, lorsque Nicolas Sarkozy l’était, nous n’étions pas du même bord politique, mais par contre nous avions une relation de cordialité.»

Bien connaître le ministre, c’est un avantage. Être socialiste aussi. Nous avons fait le calcul. L'an dernier, les élus PS ont obtenu 68% de la réserve ministérielle. Contacté, l’entourage de Bernard Cazeneuve nous explique que c’est moins pire qu’avant. En 2011, lorsque Claude Géant était alors à l’intérieur, 95% des 33 millions d’euros de la réserve ministérielle est allée à des élus de droite.

Cette cagnotte existe aussi dans d’autres ministères… Nous avons récupéré le détail de la réserve du ministère des Sports. Entre 2013 et 2016, 833 960 euros ont été dépensés.

Une partie de cet argent, 10 000 euros, a permis d’aménager un circuit moto à Lezennes, dans le département du Nord. L'association a sollicité le ministre. Christophe Marache, coordinateur du circuit, nous l'explique :

«C’est notre ministère de tutelle c’était naturel de s’adresser à lui et je pense que comme il est un petit peu de la région, il est un peu plus sensible.»

Et oui, à l’époque, Patrick Kanner était ministre des Sports. Mais il a également été président du conseil général du Nord et est aujourd’hui sénateur du Nord. Cela explique peut-être pourquoi les associations du Nord comme le circuit de moto ont touché plus d’argent que beaucoup d’autres, 62 000 euros en deux ans.

Peut-on parler de favoritisme ? Patrick Kanner s’en défend :

«Les ministres ne sont pas désincarnés. Ils peuvent être attentifs à la situation de leurs territoires d’origine. Dans mon département, qui connaît autant de difficultés sociales, ce n’est pas scandaleux qu’il y ait un petit coup de pouce pour un territoire qui souffre.»

A l’Assemblée nationale, tout le monde n’est pas de cet avis. Des députés de droite comme de gauche veulent en finir avec ce système. Erwan Balanant, député Modem du Finistère, se prononce pour la fin des réserves.

«Je pense qu’il faut supprimer ces pratiques de distribution qui sombrent souvent naturellement dans le clientélisme. Supprimons toutes ces réserves, soyons dans la transparence, soyons sur des critères d’équité sur la distribution.»

Cette pratique prendra-t-elle fin ? Pas au ministère des sports. La réserve devrait aider nous dit-on à la reconstruction des infrastructures sportives après l’ouragan Irma. Au ministère de l'Intérieur, aucune réserve budgétaire n'a été budgétée pour 2018. Dans d’autres ministères, notamment au ministère de la Culture où la pratique existe, personne n’a pas voulu nous répondre.

Publié par L’Œil du 20 heures / Catégories : Non classé