Ils l’ont tous promis. De Jacques Chirac à Emmanuel Macron en passant par Nicolas Sarkozy et François Hollande, tous ont juré de faire la chasse aux normes.
Mais l’administration continue d’en produire, encore et toujours… plus de 400 000 en tout !
Et certaines sont absurdes.
L’un des secteurs qui croule le plus sous la réglementation, c’est l’agriculture.
Charles Monville, éleveur de volailles bio au sud de Paris, vend ses produits directement aux consommateurs. Mais en août 2014, le ministère de l’Agriculture a pondu une nouvelle norme dans un arrêté : pour continuer à faire de la vente directe, il doit élever "un effectif total de poules pondeuses inférieur ou égal à 250".
Il en possède donc tout juste 249 ! Deux de plus et ça lui coûterait très cher : “Au-dessus de 250 poules pondeuses, je suis obligé de monter un sas de conditionnement pour ramasser les œufs, un sas d’hygiène", explique-t-il. "J’aurais un investissement de 10 000 € à faire. C’est une obligation réglementaire." Résultat : Charles ne développe pas son activité.
Mais au fait, pourquoi cette norme de 250 ? Au ministère de l’Agriculture, on répond “principe de précaution” pour éviter les maladies. Mais pour Christophe Hugnet, vétérinaire et expert auprès des tribunaux, ce chiffre n’a aucun sens. "Le risque n’est pas lié au nombre, il est lié à d’autres facteurs comme la présence de rongeurs. Entre 300 et 600, jamais personne n’a démontré qu’il y avait une différence."
"C'est la poche d'eau qui fait déborder le vase !"
Ces normes absurdes peuvent même faire démissionner un maire ! C’est ce qui vient de se passer à Cormolain, 400 habitants au cœur du Calvados. Depuis le début de l’année, c’est la loi : les maires doivent installer des bouches à incendie à exactement 400 mètres maximum, pas plus, de chaque maison. A Cormolain, il en faudrait une vingtaine. Coût total : près de 500 000 €, soit 25 fois le budget annuel de la commune.
Le désormais ex-maire, Jean-François Poulet, a baissé les bras. "Je me doutais que j’allais avoir des trucs comme ça, mais celle-ci c’est la poche d’eau qui fait déborder le vase !", affirme-t-il avec amertume. "J’ai pas envie de faire le Don Quichotte non plus. Me battre contre des moulins comme ça… C’est trop lourd !"
D'ailleurs les pompiers eux-mêmes admettent que les incendies sont rares dans le département, et qu’un camion-citerne suffit pour éteindre 80% des feux.
Nous avons montré ces normes à Alain Lambert : l’ancien ministre du Budget de Jacques Chirac est chargé de les évaluer. "Tout ça est absolument absurde", juge-t-il. "Mais l’idée derrière tout ça, c’est de transférer la responsabilité aux maires. Donc le haut fonctionnaire qui est dans sa soupente à Paris se dit : “Je vais écrire ça, c’est plus le gouvernement qui sera responsable, c’est le maire.” On se blinde juridiquement."
Le gouvernement Philippe a-t-il pour autant la solution ? Au cœur de l’été, le Premier ministre a publié une circulaire pour demander aux ministères de faire la chasse aux normes. Comment ? Pour chaque norme publiée, deux doivent être supprimées. La fabrication des lois sera aussi mieux encadrée. Mais pas certain que cela suffise : ce sont surtout les administrations qui produisent des normes, pas nos élus.
Contacté, l’entourage du Premier ministre ne fait pas de commentaire. Et le ministère de la Simplification créé par François Hollande ? Ah c’est vrai : il a été supprimé.