Travailleurs détachés français en France, l'histoire d'un détournement !

Les travailleurs détachés : le sujet a fait réagir les candidats pendant la campagne. "Je ne veux pas de cette directive détachement parce qu’elle créé une priorité étrangère à l’emploi" a estimé Marine Le Pen durant le débat du premier tour. "On oublie de dire qu’il y a 300 000 français qui sont travailleurs détachés" a tenu à préciser Emmanuel Macron.

Des travailleurs français détachés en Allemagne, au Portugal il y en a mais il existe aussi des travailleurs détachés français... en France. L’Oeil du 20h vous explique comment ce système a été détourné.

Collée à la frontière française, au Luxembourg, la petite ville d’Esch-sur-Alzette. Connue pour ses 39 agences d’intérim. Ici, les offres d’emploi se lisent dans toutes les langues. Parmi ces agences, plusieurs sont spécialisées dans le détachement de travailleurs français en France. Nous les avons sollicité, aucune n’a voulu nous répondre. Nous nous sommes fait passer pour un intérimaire en recherche d’emploi. Une salariée nous explique.

Envoyé en France avec un contrat luxembourgeois 

"Vous allez avoir un contrat luxembourgeois, c’est une société luxembourgeoise qui va détacher du personnel pour travailler sur des chantiers en France. Vous serez sur le régime luxembourgeois, donc si vous êtes mariés vous ne payez pas d’impôt ou presque et vous serez plus avantagé au niveau salaire."

Voilà comment cela fonctionne. Un français vient au Luxembourg. Il est employé par une agence d’intérim. Au bout de 30 jours travaillés sur place, l’agence peut l’envoyer en France avec un contrat luxembourgeois. C’est tout à fait légal et très avantageux pour le salarié.

Les Français, 7e au palmarès des travailleurs détachés en France

Sur sa fiche de paie, le salarié est gagnant. En France, en intérim au salaire minimum, il toucherait 1 479 euros. Avec un contrat luxembourgeois, il gagne 1688 euros, soit 15% de plus. Et il perçoit également des allocations familiales versées par le Luxembourg plus généreuses.

Voilà pourquoi, au palmarès des travailleurs détachés en France, officiellement après les Portugais, au 7ème rang, il y a les 4 390 travailleurs français, plus nombreux que les Roumains.

Et pour les employeurs français, quels avantages ? A Metz, pour trouver de la main d’oeuvre qualifiée, le président de la fédération du bâtiment de la Moselle nous explique avoir déjà employé quelques français détachés et réalisé des économies : "Aujourd’hui les charges sociales salariales c’est 25%. Au Luxembourg c’est 12%. Quant aux charges patronales, c’est 50% en France, au Luxembourg c’est 20."

Vers une harmonisation fiscale en Europe ?

Le député de Gironde, Gilles Savary (PS) s’est saisi de cette question. Il a écrit trois rapports sur cette concurrence qu’il juge déloyale. Pour lui, un seul perdant, les Finances publiques.

"Aujourd’hui, tout le monde y gagne, le salarié, l'entreprise, l'agence d'intérim sauf l’Etat français. Il n'y a pas de prestation commerciale donc pas de TVA et surtout ils ne paient pas leur Sécurité sociale en France", analyse-t-il. Pour empêcher ce détournement, Gilles Savary estime que le plus simple serait qu'il y ait une harmonisation fiscale "mais comme à court terme c’est impensable il faut interdire le détachement d’intérim".

Marine Le Pen veut supprimer la directive sur les travailleurs détachés, Emmanuel Macron souhaite lui la conserver mais mieux l’encadrer.

Publié par L’Œil du 20 heures / Catégories : Non classé